Une nouvelle thérapie génique hématopoïétique pour l’anémie de Fanconi prouve son efficacité

La transplantation de cellules souches hématopoïétiques, ces cellules capables de produire toutes les cellules du sang, issues de donneurs compatibles, est le traitement standard chez les patients atteints d'anémie de Fanconi-A (mutation du gène FANCA), l’aplasie médullaire constitutionnelle la plus fréquente, mais les complications associées à ce type de greffe sont sévères.
Dans un essai clinique international initié en 2016 mené par l’équipe de Madrid dirigée par le Pr Juan Bueren et dont les résultats viennent d’être publiés dans The Lancet, une autre approche thérapeutique vient d’être validée pour ces patients. Les participants à cet essai ont été traités par transplantation de cellules souches hématopoïétiques autologues (provenant du patient lui-même) génétiquement modifiées par l’addition du gène FANCA, sans recours à aucun conditionnement cytotoxique.
La Pr Marina Cavazzana et ses collaborateurs sont extrêmement heureux d’avoir pu collaborer avec cette équipe et participer à cette étude clinique, félicitent leurs collègues et amis pour ce succès qui couronne de nombreuses années de recherche pré-clinique et clinique.
Les résultats obtenus chez les huit patients participants à cette étude innovante ont montré pour la première fois que cette nouvelle thérapie génique hématopoïétique permet l’arrêt de la progression de la maladie vers l’aplasie médullaire, et dans deux cas la réversion complète du phénotype hématopoïétique. Ces résultats constituent une avancée majeure dans le traitement de cette maladie, de manière toujours plus efficace, plus simple à mettre en place, et surtout sans les effets délétères de la chimiothérapie habituellement utilisée dans les greffes à partir d’un donneur compatible. Elle ouvre également la voie à son application dans d’autres pathologies similaires.

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Soigner

L’anémie (ou maladie) de Fanconi est une maladie génétique rare, multisystémique, caractérisée chez la grande majorité des patients par une insuffisance de la moëlle osseuse qui se développe progressivement, notamment pendant la première décennie. Ces symptômes sont également associés à des malformations congénitales et un risque élevé d'hémopathies myéloïdes (leucémies myéloblastiques, syndromes myélodysplasiques) et de tumeurs solides. On considère que cette maladie concerne 1 naissance sur 160 000 à travers le monde.

La greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques (provenant d’un donneur compatible) constitue la seule thérapie potentiellement curative pour l’insuffisance médullaire liée à l'anémie de Fanconi, bien qu'elle soit associée à d'importantes toxicités à court et à long terme. Ces toxicités se traduisent par une incidence très élevée de carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou, le risque oncogénique étant probablement amplifié par la maladie du greffon contre l'hôte. Des thérapies sans effets toxiques à court et à moyen terme, capables de corriger l’insuffisance médullaire associée à l'anémie de Fanconi, sont donc nécessaires.

Au cours d’un essai clinique ouvert de phase 1/2 et d'un essai de suivi à long terme (jusqu'à 7 ans après le traitement) réalisé en Espagne, huit patients (recrutés entre 2016 et 2019) ayant bénéficié de cette nouvelle thérapie génique hématopoïétique ont pu être suivis par les différentes équipes à l’origine du projet.

Des cellules du sang périphérique (hors moëlle osseuse) provenant des patients atteints d'anémie de Fanconi aux premiers stades de l’insuffisance médullaire ont été génétiquement modifiées par l’addition du gène FANCA avant d’être réinjectées sans conditionnement cytotoxique (un traitement nécessaire en cas de greffe allogénique pour éviter les risques de rejet). Le critère principal d'évaluation de l’efficacité de ce nouveau protocole est la prise de greffe des cellules génétiquement modifiées au cours des années suivant la greffe, et leur stabilité dans le temps. En parallèle, la sécurité du traitement est validée en observant l’absence de la survenue d’événements indésirables au cours des trois années suivant la perfusion.

Huit patients traités atteints d'anémie de Fanconi ont ainsi pu être évalués. L’expression du gène FANCA (le critère d’évaluation principal) a été détecté dans les cellules circulantes et dans la moelle osseuse chez cinq des huit patients évaluables. Aucun événement génotoxique lié à la thérapie génique n'a été observé. La plupart des effets indésirables apparus au cours du traitement étaient sans gravité et considérés comme non liés à la nouvelle approche.

Les équipes menant cette étude montrent ainsi pour la première fois que ce protocole de thérapie génique peut arrêter durablement la progression vers l’insuffisance médullaire et dans certains cas renverser complètement le phénotype pathologique de patients atteints d'anémie de Fanconi-A. L'âge des participants à cet essai (3-7 ans) se situe dans la tranche d'âge à laquelle une forte proportion de patients atteints d'anémie de Fanconi commence à développer cette insuffisance se manifestant avec une diminution du nombre des neutrophiles, globules rouges et plaquettes circulantes, laissant espérer la possibilité de retarder, voire éviter totalement l’apparition de l’aplasie médullaire.

Des augmentations de cellules sanguines « corrigées » ont été constatées chez les patients traités par thérapie génique, même en l'absence de conditionnement cytotoxique. L'absence de ce conditionnement dans cette approche de thérapie génique est de la plus haute importance, car l'incidence accrue de cancers observée chez les patients atteints d'anémie de Fanconi après une greffe de cellules souches hématopoïétiques d’un donneur serait due au conditionnement cytotoxique et à la maladie du greffon contre l'hôte. Ce nouveau protocole constitue une grande avancée médicale. De plus, si l’efficacité et l’innocuité de ce protocole sont confirmés dans l’étude de suivi à long terme, il pourra être appliqué à d’autres maladies génétiques similaires.

 

Référence :

Haematopoietic gene therapy of non-conditioned patients with Fanconi anaemia-A: results from open-label phase 1/2 (FANCOLEN-1) and long-term clinical trials

Rio et al., The Lancet, 2024

DOI: 10.1016/S0140-6736(24)01880-4

 

Corresponding author pour l’Institut Imagine : Pr Marina Cavazzana