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L’anémie (ou maladie) de Fanconi est une maladie génétique rare, multisystémique, caractérisée chez la grande majorité des patients par une insuffisance de la moëlle osseuse qui se développe progressivement, notamment pendant la première décennie. Ces symptômes sont également associés à des malformations congénitales et un risque élevé d'hémopathies myéloïdes (leucémies myéloblastiques, syndromes myélodysplasiques) et de tumeurs solides. On considère que cette maladie concerne 1 naissance sur 160 000 à travers le monde.
La greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques (provenant d’un donneur compatible) constitue la seule thérapie potentiellement curative pour l’insuffisance médullaire liée à l'anémie de Fanconi, bien qu'elle soit associée à d'importantes toxicités à court et à long terme. Ces toxicités se traduisent par une incidence très élevée de carcinomes épidermoïdes de la tête et du cou, le risque oncogénique étant probablement amplifié par la maladie du greffon contre l'hôte. Des thérapies sans effets toxiques à court et à moyen terme, capables de corriger l’insuffisance médullaire associée à l'anémie de Fanconi, sont donc nécessaires.
Au cours d’un essai clinique ouvert de phase 1/2 et d'un essai de suivi à long terme (jusqu'à 7 ans après le traitement) réalisé en Espagne, huit patients (recrutés entre 2016 et 2019) ayant bénéficié de cette nouvelle thérapie génique hématopoïétique ont pu être suivis par les différentes équipes à l’origine du projet.
Des cellules du sang périphérique (hors moëlle osseuse) provenant des patients atteints d'anémie de Fanconi aux premiers stades de l’insuffisance médullaire ont été génétiquement modifiées par l’addition du gène FANCA avant d’être réinjectées sans conditionnement cytotoxique (un traitement nécessaire en cas de greffe allogénique pour éviter les risques de rejet). Le critère principal d'évaluation de l’efficacité de ce nouveau protocole est la prise de greffe des cellules génétiquement modifiées au cours des années suivant la greffe, et leur stabilité dans le temps. En parallèle, la sécurité du traitement est validée en observant l’absence de la survenue d’événements indésirables au cours des trois années suivant la perfusion.
Huit patients traités atteints d'anémie de Fanconi ont ainsi pu être évalués. L’expression du gène FANCA (le critère d’évaluation principal) a été détecté dans les cellules circulantes et dans la moelle osseuse chez cinq des huit patients évaluables. Aucun événement génotoxique lié à la thérapie génique n'a été observé. La plupart des effets indésirables apparus au cours du traitement étaient sans gravité et considérés comme non liés à la nouvelle approche.
Les équipes menant cette étude montrent ainsi pour la première fois que ce protocole de thérapie génique peut arrêter durablement la progression vers l’insuffisance médullaire et dans certains cas renverser complètement le phénotype pathologique de patients atteints d'anémie de Fanconi-A. L'âge des participants à cet essai (3-7 ans) se situe dans la tranche d'âge à laquelle une forte proportion de patients atteints d'anémie de Fanconi commence à développer cette insuffisance se manifestant avec une diminution du nombre des neutrophiles, globules rouges et plaquettes circulantes, laissant espérer la possibilité de retarder, voire éviter totalement l’apparition de l’aplasie médullaire.
Des augmentations de cellules sanguines « corrigées » ont été constatées chez les patients traités par thérapie génique, même en l'absence de conditionnement cytotoxique. L'absence de ce conditionnement dans cette approche de thérapie génique est de la plus haute importance, car l'incidence accrue de cancers observée chez les patients atteints d'anémie de Fanconi après une greffe de cellules souches hématopoïétiques d’un donneur serait due au conditionnement cytotoxique et à la maladie du greffon contre l'hôte. Ce nouveau protocole constitue une grande avancée médicale. De plus, si l’efficacité et l’innocuité de ce protocole sont confirmés dans l’étude de suivi à long terme, il pourra être appliqué à d’autres maladies génétiques similaires.
Référence :
Haematopoietic gene therapy of non-conditioned patients with Fanconi anaemia-A: results from open-label phase 1/2 (FANCOLEN-1) and long-term clinical trials
Rio et al., The Lancet, 2024
DOI: 10.1016/S0140-6736(24)01880-4
Corresponding author pour l’Institut Imagine : Pr Marina Cavazzana