Quels sont les gènes non essentiels et quel est leur rôle ?

Tous les gènes ne sont pas égaux. Certains rendus inactifs par une mutation peuvent causer des maladies ou mettre en péril notre survie, tandis que pour d’autres, cette inactivation n’a pas d’impact… ou encore plus étonnant peut nous conférer un avantage.

Publié le

Accélérer la recherche

Au nombre de 22 000 dans notre génome, les gènes sont des fragments de la séquence d’ADN généralement décrit comme l’unité de base de l’hérédité. Un gène donne naissance à une ou plusieurs protéines, censées jouer un rôle précis au sein des cellules, remplir une fonction et donc avoir un effet à l’échelle de l’organisme.

Cependant, il semble que l’inactivation de certains gènes n’a pas d’impact majeur sur la santé humaine. En 2012, une première étude publiée dans la revue Science sur 185 individus sains, menée par Daniel G. MacArthur du Wellcome Trust Sanger Institute en Angleterre, estimait que chaque personne avait une centaine de gènes inactivés pour au moins une de ses deux copies, dont 20 d’entre eux pour ses deux copies.

Des gènes en route vers la fossilisation

Deux laboratoires d’Imagine, celui co-dirigé par Laurent Abel* et Jean-Laurent Casanova**, et celui d’Antonio Rausell*** ont donc voulu en savoir plus sur ces gènes complétement inactivés par des variations génétiques (variants) entraînant une perte de fonction sur leurs deux copies en utilisant la base de données gnomAD comportant plus de 120000 individus de 5 grandes populations humaines d’Afrique, d’Europe, d’Asie de l’est, d’Asie du sud, et d’Amérique.

« Nous avons trouvé 166 gènes pour lesquels plus de 1% des individus d’au moins une des 5 populations analysées étaient porteurs de mutations inactivant leurs deux copies » souligne Laurent Abel.

Comme on peut s'y attendre, la plupart des gènes qui peuvent « disparaître » sans impact majeur sur la santé ne sont pas impliqués dans des fonctions essentielles. Ils contrôlent des mécanismes qui pouvaient être utiles à nos ancêtres ou à d’autres espèces mais qui ne sont plus nécessaires à notre survie.

Ainsi parmi les 166 gènes identifiés, 41 sont des récepteurs olfactifs. D’autres semblent ne plus être indispensables en raison de leur redondance par exemple. Dans ce cas, la fonction de ces gènes peut encore avoir de l’importance mais est déjà assurée par d’autres gènes. Ils ne sont donc plus soumis à aucune pression de sélection négative (qui enlève les mutations délétères lors de l’évolution) et évoluent vers des gènes non fonctionnels appelés pseudogènes ou gènes fossiles.

Participer à la recherche scientifique, c’est une aide précieuse pour les futures générations,
Faites un don.

Des gènes silencieux mais utiles malgré tout

Cependant, certains de ces gènes inactivés peuvent procurer un avantage pour les individus qui les portent. Dans l’étude, 8 d’entre eux présentait des signes de sélection positive. Ainsi le variant perte de fonction touchant le gène FUT2 confère une résistance aux virus intestinaux, et celui d’APOL3 est impliquée dans la résistance aux infections parasitaires.  « L’identification de ces variants sélectionnés positivement du fait de l’effet bénéfique pour la survie de l’inactivation du gène correspondant, peut permettre de définir des cibles thérapeutiques potentielles pour les pathologies associées chez les individus non porteurs de ces variants, » explique Antonio Rausell.

Cette étude permet donc l'identification de gènes dont les fonctions sont désormais redondantes, voire même avantageuses, pour la survie humaine. L’identification de ces variants « bénins » est également utile lors de l'analyse du génome chez des patients, afin de les exclure comme causes potentielles de maladie.

 

 

*Laurent Abel est directeur de recherche à l’Inserm, co-directeur avec Jean-Laurent Casanova du Laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, laboratoire international de l’Inserm organisé en deux branches, l’une à l’Institut Imagine à Paris et l’autre à l’Université Rockefeller à New York.

**Jean-Laurent Casanova est professeur à l’Université de Paris/Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP et à l’Université Rockefeller à New York, investigateur au Howard Hughes Medical Institute, et co-directeur du Laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses.

*** Antonio Rausell est chercheur Inserm et directeur du laboratoire de Bioinformatique Clinique à l’Institut Imagine