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Ce qui transparait tout d’abord lorsqu’on rencontre les deux jeunes chercheuses, c’est le bonheur d’avoir réussi le concours d’entrée à l’Inserm.
Car, avec le nombre de « concurrents », la sélection est drastique et les deux chercheuses ont dû passer plusieurs fois le concours : 3 fois pour Emilie Dambroise et 4 fois pour Benedetta Ruzzenente. « Alors que la première fois, j’avais échoué de très peu, se remémore Benedetta Ruzzenente, les deux fois suivantes, je n’ai même pas passé le cap de l’oral, donc je n’y croyais plus ».
« Pour réussir, il faut un projet suffisamment mûr », enchaîne Emilie Dambroise, qui va désormais pouvoir se consacrer de manière plus sereine aux recherches qui lui tiennent à cœur depuis sa thèse, à savoir, identifier les mécanismes physiopathologiques dérégulés suite à la modification du gène FGFR3 et responsables des craniosynostoses, des maladies dues à une « soudure prématurée » des os du crâne. Cette mauvaise fusion de la voute crânienne a des répercussions sur le développement du cerveau.
Craniosynostoses : un modèle de poisson pour mieux comprendre
« Les mutations du gène (FGFR3) que nous étudions sont responsables soit de nanismes soit de craniosynostoses, décrit-elle. Pendant mon doctorat effectué dans le laboratoire de Laurence Legeai-Mallet à Imagine, j’ai caractérisé un modèle murin de l’achondroplasie (qui est la forme de nanisme la plus fréquente) pour étudier la fonction de ce gène au cours du développement des os longs. J’ai voulu ensuite comprendre le rôle de FGFR3 au cours du développement du crâne, or, il s’est avéré que ce que nous observions chez la souris était assez éloigné de ce qu’on observe chez l’Homme. Je suis donc allée me former pendant mon post-doctorat sur un autre modèle : le poisson zèbre dont les mécanismes responsables de la formation du crâne sont proches de ceux décrits chez l’Homme. » Ensuite, Emilie Dambroise est revenue à Imagine et a développé un modèle de poisson zèbre pour étudier les mécanismes régulant la formation du crâne, pour comprendre les conséquences de la mutation de ce gènes responsable de craniosynostoses, mais aussi identifier les moyens de restaurer les mécanismes défectueux. « Avec ce modèle mieux adapté que le modèle murin, je vais pouvoir tester différentes stratégies thérapeutiques », s’enthousiasme la jeune chercheuse.
Même si le chemin est encore long, j’ai en ma possession un grand nombre d’outils pour y arriver et c’est sûrement ce qui a aussi séduit le jury pour mon entrée à l’Inserm.
Les mitochondries : un univers à explorer
Quant à Benedetta Ruzzenente, elle se consacre à l’étude des mitochondries depuis son doctorat soutenu en 2005 à l’université de Padoue en Italie. Alors pourquoi cet intérêt pour ce que l’on considère comme les usines énergétiques de la cellule ? « Parce qu’il reste encore beaucoup à découvrir sur ces petits organites sièges des réactions qui permettent de convertir le glucose en molécule énergétique, l'ATP".
Après avoir travaillé sur la biologie des mitochondries en Suède, puis en Allemagne, elle rejoint en 2015 l’équipe d’Agnès Rôtig à l’Institut Imagine pour étudier les conséquences pathologiques causées par des défauts d'expression des gènes mitochondriaux. « Il s’agit de maladies très hétérogènes impliquant plus de 300 gènes à ce jour », rappelle-t-elle. « Elles sont par ailleurs assez difficiles à reconnaître puisque les signes cliniques sont souvent très proches de ceux observés dans d’autres pathologies. »
Pour la jeune chercheuse, pouvoir travailler sur ces pathologies représente une « golden mine » en offrant des possibilités uniques de découvrir de nouveaux mécanismes de régulation de la fonction mitochondriale, et la collaboration avec le Centre de référence pour les maladies mitochondriales de l'enfant à l'adulte (CARAMMEL) de l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP constitue un atout pour ses recherches.
Parmi ses projets, figure l’étude de la spécificité tissulaire des maladies liées à la mutation d'un gène nucléaire codant pour une protéine mitochondriale impliquée dans la régulation de l'expression de gènes mitochondriaux. « Bien que ces gènes soient ubiquitaires, les pathologies mitochondriales ne touchent le plus souvent qu’un organe », détaille Benedetta Ruzzenente. « Je cherche donc à comprendre d’où vient cette spécificité tissulaire en utilisant des modèles de souris. » Au-delà de ces approches mécanistiques, la jeune chercheuse commence aussi à développer des approches thérapeutiques notamment basées sur la thérapie génique.
Deux jeunes chercheuses à suivre !