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Beaucoup de questions se posent autour des patients infectés par le coronavirus SARS-CoV-2 responsable du COVID-19 et de leur immunité. Sont-ils protégés contre une nouvelle infection ? Combien de temps ? Comment tester l’immunité d’une personne ? Le spécialiste en immunologie, le Pr Alain Fischer, apporte ici des éléments de réponses, en l’état actuel des connaissances.
Quels anticorps protègent d’une seconde infection ?
Alain Fischer : Lors d’une réponse immunitaire, des anticorps sont produits par l’organisme, initialement des immunoglobulines (IgM) puis des immunoglobulines G (IgG) qui peuvent être neutralisants, ce qui veut dire que ces anticorps empêchent le virus d’entrer dans la cellule hôte (cellules épithéliales des voies respiratoires en premier lieu pour le SARS-CoV2) et donc de se multiplier.
Les observations et études menées sur les anticorps contre le SARS-CoV-2 montrent que tous les patients infectés par ce virus développent des anticorps neutralisants, habituellement une semaine après l’infection. Les patients asymptomatiques ou présentant très peu de symptômes ont en général un taux d’anticorps plus faible et qui apparaissent plus tard, mais cependant, également avec une activité neutralisante.
Est-il possible que la production d’anticorps soit dépendante de la gravité de la maladie ?
AF : Il semble qu’une quantité plus importante d’anticorps soit détectée chez des patients qui présentent des symptômes plus marqués du COVID-19. Mais ce sont des résultats partiels. Il faut attendre des données complémentaires pour confirmer ces premiers résultats.
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Quelle est la durée de l’immunité ?
AF : Nous n’avons pas le recul suffisant pour le déterminer. En se fondant sur les précédentes infections à coronavirus, cette durée est relativement courte, de l’ordre de deux ou trois ans. Est-ce qu’il en sera de même avec le SARS-CoV-2 ? Nous ne le savons pas. D’où l’importance d’un suivi épidémiologique dans le temps. De plus, ne plus détecter d’anticorps chez un individu, ne veut pas forcément dire que celui-ci n’est plus protégé. En effet, des anticorps peuvent réapparaitre un peu plus tard. Mais il peut aussi compter sur une immunité cellulaire liée aux lymphocytes T, cellules du système immunitaire qui ont, elles-aussi, une mémoire.
Comment expliquer les cas observés où il semblerait y avoir une nouvelle contamination ?
AF : En principe, le fait d’avoir développé des anticorps protège d’une nouvelle infection. Mais là encore, il faut rester prudent. C’est le suivi des patients au cours du temps qui permettra de corréler la disparition d’anticorps avec une éventuelle ré-infection.
Comment teste-t-on la présence d’anticorps ?
AF : La présence d’anticorps est mesurée par des tests sérologiques, dont beaucoup sont en cours de développement pour le SARS-CoV-2. Certains ont obtenu un marquage CE médical européen, ce qui signifie qu’ils répondent à certaines normes. L’étape, suivante et cruciale, est la validation de ces tests, par des Centres Nationaux de Référence (CNR) des virus des infections respiratoires, comme celui de l’Institut Pasteur à Paris, en lien constant avec leurs homologues au niveau international. Pour l’instant, nous ne disposons pas encore de tests fiables validés d’utilisation courante.
Pourquoi tester l’immunité des personnes infectées ?
AF : Lorsque des tests sérologiques fiables seront disponibles, ils seront d’abord un outil précieux pour les épidémiologistes, qui à partir des données sur des échantillons représentatifs de la population, peuvent estimer la prévalence des personnes protégées au cours du temps et dans les différentes régions. Au niveau individuel, cette information peut être importante pour déterminer si un individu est protégé ou non. Ces tests pourront être utilisés sur des populations prioritaires, comme les professionnels de santé par exemple.
Dans combien de temps disposera-t-on d’un vaccin ?
AF : En l’absence de thérapie efficace contre le COVID-19, le développement d’un vaccin est essentiel. Plus de 140 projets avec différentes stratégies sont lancés dans le monde, mais sans certitude qu’ils aboutissent. Le développement d’un vaccin prend du temps, avec 4 étapes à franchir : développement avec la démonstration de l’efficacité et de non-toxicité, production en très grande quantité, prix accessible à tous les pays, et enfin acceptation par la population du vaccin, même s’il est partiellement efficace. Chaque étape représente un défi en soi et peut prendre beaucoup de temps.