Une avancée majeure dans la thérapie génique pour les maladies rares

Fin 2024, le Centre d’Investigation Clinique en biothérapie (CIC-BT1416), rattaché à l’Institut Imagine via des partenariats institutionnels et hospitalo-universitaires, et l’AP-HP ont obtenu l’autorisation de l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour lancer un nouvel essai clinique de thérapie génique pour une maladie génétique rare. Cet essai vise à traiter l’une des formes de lymphohistiocytose familiale (FHL)

Cette avancée, pilotée par le Pr Marina Cavazzana, directrice du département de biothérapie de l’hôpital Necker-Enfants malades et du CIC-1416 résulte d’une collaboration exceptionnelle entre chercheurs de l’Institut Imagine, cliniciens et institutions : depuis l’identification du gène UNC13D par le Dr Geneviève de Saint Basile , en passant par les équipes du CIC (Chantal Lagresle-Peyrou, Jean-Sébastien Diana et Elisa Magrin) pour la recherche translationnelle et la mise au point du protocole clinique et enfin l’équipe de recherche clinique d’Imagine et la direction de la recherche clinique et de l’innovation de l’AP-HP qui facilitent la mise en place réglementaire de l’essai.

Cet article résume les différentes phases qui ont jalonnées cet ambitieux projet :

Sur le campus de l’Hôpital Necker-Enfants malades, la Dr Geneviève de Saint Basile étudie depuis de nombreuses années les syndromes hémophagocytaires tels que la lymphohistiocytose familiale (FHL); une maladie génétique rare qui se présentent sous plusieurs formes. En 2003, elle découvre que le gène UNC13D qui code pour la protéine MUNC 13.4 est responsable de la FHL de type 3 (FHL-3). En effet, des mutations dans ce gène altèrent la fonction de la protéine exprimée dans certaines cellules immunitaires et engagée dans la lutte contre les infections. Ce défaut entraine une activation macrophagique non contrôlée et une inflammation chronique capable d’endommager gravement certains organes (foie, rate etc.) En savoir plus

A ce jour, pour les formes les plus graves de FHL-3, la greffe de moelle osseuse s’avère le seul traitement curatif disponible. Cependant, comme le souligne la Pr Marina Cavazzana : « La majorité des donneurs sont partiellement compatibles, même au sein des familles. À long terme, la greffe n’est pas toujours un succès, d’où la nécessité de développer des alternatives thérapeutiques. ». Face à ce défi, elle a initié, début 2016, des recherches pour proposer une nouvelle thérapie qui consiste à prélever les cellules souches de la moelle osseuse d’un patient atteint de FHL-3, de corriger ces cellules en laboratoire afin de réinjecter aux patients leurs propres cellules capables de reconstituer un système immunitaire fonctionnel. Toutes les étapes ci-dessous ont été réalisées selon des critères très rigoureux et se sont déroulées selon un ordre bien défini et immuable.

Validation préclinique : L’équipe translationnelle est le premier maillon de cette chaine et elle a tout d’abord démontré dans un modèle murin qui reproduit la pathologie que cette approche de thérapie génique (TG) était non toxique et restaurait la fonctionnalité des cellules immunitaires.

Optimisation du protocole : Après validation de cette preuve de concept, le protocole de transfert de gène a été ajusté et validé par un processus précis d’itération afin de le rendre compatible avec une utilisation en clinique. Son efficacité a également été testée in vitro sur des cellules de patient FHL-3. Une étroite collaboration avec les cliniciens de l’AP-HP a rythmé cette phase de développement et en particulier, avec le Pr Despina Moshous qui assurera l'inclusion des patientsFHL-3 et leur suivi post-thérapie génique . Chaque détail du protocole a été qualifié afin de répondre aux bonnes pratiques de fabrication et garantir une parfaite compatibilité avec une utilisation clinique chez l’humain.

Tests règlementaires : Afin de répondre à la législation en vigueur, des tests de toxicité ont été mis au point au laboratoire puis réalisés dans des structures accréditées par l’ANSM. Les résultats de tous ces travaux sont consignés dans plusieurs dossiers réglementaires rédigés par l’ensemble des intervenants puis déposés sur le site de l’agence européenne des médicaments EMA. En France, l’ANSM reste décisionnaire et elle a donné son accord pour l’ouverture de l’essai clinique de thérapie génique FHL-3 fin 2025. Au sein de l’équipe de recherche clinique d’Imagine, Caroline Tuchmann-Durand et Eléonore Mathe ont coordonné le bon déroulement de ce processus réglementaire.

Au total, 8 années de travail et de coordination des équipes ont été requis pour proposer en 2025 sur le Campus Necker, un essai clinique de thérapie génique pour la FHL3. Il constitue le premier essai mondial pour cette pathologie avec la possibilité d’inclure 5 patients.

Comme le résume le Dr Chantal Lagresle : « la recherche translationnelle avance pas à pas et peut prendre 7 à 10 ans, en fonction des contraintes rencontrées mais aussi parce qu’il y a des étapes réglementaires incompressibles. Les moyens financiers sont importants pour mener à bien toutes ces études qui impliquent de développer des technologies spécifiques à chaque pathologie, des normes contraignantes, des compétences techniques spécifiques et des locaux répondant aux normes en vigueur» (de l’ordre de 1-1.5M€ pour le développement d’une TG auxquels s’ajoutent ±1.2M€ pour traiter 5 patients) .

L’aboutissement de ce projet incarne l’excellence et la synergie entre recherche et médecine, au service des patients atteints de maladies rares. Il reflète également l’ensemble des compétences disponibles sur le Campus et le dynamisme des équipes, quelque soit leur spécialité. A l’image du témoignage du Dr Jean Sebastien Diana : « Travailler avec le CIC Biothérapie, à l’interface entre les patients et la recherche fondamentale, est pour moi une chance extraordinaire. L’élaboration de traitements innovants permet la transformation des connaissances scientifiques en solutions concrètes pour les patients. ». Cette chance est perçue par l’ensemble des équipes.

Note : Cette étude a bénéficié d’une aide de l’État gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du programme d’investissement d’avenir intégré à France 2030 (ANR-18-RHUS-0003) coordonné via la DRCI par Mylene Tewtel (Chef de projet – RHU IRIS) et de la chaire de Thérapie-génique « Chaire Dior de médecine sur mesure » portée par Christian Dior Couture.