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Le lupus érythémateux systémique (LES) est une maladie auto-immune chronique, pour laquelle on compte environ 40 cas pour 100 000 habitants en Europe. La maladie touche très principalement la jeune femme de 20 à 40 ans (dix femmes touchées pour une homme environ), et reste exceptionnelle avant l'âge de 5 ans. Cette pathologie présente une grande diversité de symptômes rendant le diagnostic compliqué, et souvent tardif. Au niveau cellulaire, le lupus est généralement caractérisé par une production anormale d’interférons de type I dans le sang, des protéines « signaux » qui coordonnent en principe la réponse immunitaire contre les infections virales. Le LES est également caractérisé par la production par le système immunitaire d’auto-anticorps dirigés contre des « molécules du soi », telles que certaines structures présentes dans le noyau cellulaire. L’existence de cas familiaux de lupus suggère une composante génétique majeure.
Le laboratoire de Neurogénétique et neuroinflammation, dirigé par le Pr Yanick Crow à l’Institut Imagine (Inserm, AP-HP, Université Paris Cité), a ainsi identifié de rares mutations dans le gène UNC93B1 dans cinq familles présentant un lupus érythémateux systémique (LES) ou un lupus-engelure (une forme de la maladie restreinte à la peau) chez les membres de ces familles.
Chez l’Homme et chez la souris, une perte d’expression de la protéine UNC93B1, codée par le gène du même nom, prédispose à des infections virales graves. UNC93B1 est une protéine transmembranaire, très conservée, connue surtout pour sa coordination de la signalisation des récepteurs Toll-like (TLR), une famille de récepteurs du système immunitaire qui reconnaissent des motifs microbiens conservés. Lors d’une infection, l’activation des TLR déclenche une réponse immune innée rapide qui amorce l’immunité adaptative spécifique générant les anticorps. Parmi les TLR, TLR7 reconnaît les ARN d’origine virale, mais peut aussi détecter les ARN du soi et a ainsi été particulièrement impliqué dans la physiopathologie du lupus.
Les résultats publiés dans le Journal of Experimental Medicine montrent que les mutations dans le gène UNC93B1 identifiées chez ces cinq familles causent un gain d’activité de la protéine UNC93B1. En particulier, c’est l’association de UNC93B1 avec les TLR qui contrôle leur activité : or les mutations identifiées modifient l’affinité de UNC93B1 pour les TLR. Ces conclusions apportent aussi une compréhension plus fine des mécanismes de régulation des TLR, avec des effets distincts sur TLR7 et TLR8 selon les mutations identifiées dans le gène UNC93B1, ce qui suggère l’existence d’un équilibre entre TLR7 et TLR8 orchestré par UNC93B1.
De manière remarquable, cette spécificité des mutations de UNC93B1 se traduit au niveau de la maladie. Ainsi, les mutations de UNC93B1 qui augmentent la signalisation de TLR7 (et de TLR8 dans une moindre mesure) sont associées au phénotype de lupus érythémateux systémique (I317M et G325C), alors que les mutations responsables d'un gain d’activité de TLR8 seul sont associées au phénotype de lupus-engelure.
Ces résultats montrent que la recherche et l’identification de mutations de UNC93B1 constituent une avancée dans le diagnostic clinique de lupus chez des patients en errance diagnostique. L’identification précise du type de mutation dans le gène UNC93B1 permettra de plus de proposer des thérapies spécifiques ciblant spécifiquement la signalisation TLR7 ou TLR8, de telles molécules étant actuellement à l’essai. Ces découvertes ont aussi révélé un rôle propre de TLR8 dans le lupus et l’auto-inflammation, ce qui ouvre un nouveau champ de recherche sur ce TLR encore peu étudié.
Référence :
Gain-of-function human UNC93B1 variants cause systemic lupus erythematosus and chilblain lupus
C David et al, JEM, 2024
Corresponding author : Yanick Crow
doi: 10.1084/jem.20232066