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Comprendre les surdités génétiques
L’oreille, un fonctionnement complexe
Nos oreilles sont constituées de trois grandes parties : l’oreille externe, qui contient notamment le canal auditif, l’oreille moyenne qui a pour rôle d’amplifier le son, et l’oreille interne qui a un rôle majeur dans notre audition et notre équilibre.
La cochlée et le vestibule, tous deux situés dans notre oreille interne, contiennent des cellules sensorielles qui captent les vibrations sonores extérieures et les transforment en signaux électriques. En passant dans les nerfs auditifs, les signaux électriques produits par les cellules sensorielles de la cochlée sont ensuite traités par le cerveau comme des sons et c’est comme cela que nous entendons.
L’atteinte de l’une ou l’autre de ces parties de l’oreille peut provoquer différentes formes de surdité de différente sévérité.
Pas une, mais des surdités génétiques
Les surdités peuvent être classées en trois grandes catégories :
- Les surdités de transmission, liées à l’atteinte de l’oreille externe et/ou moyenne
- Les surdités de perception ou neurosensorielles, liées à l’atteinte de la cochlée, et/ou à l’atteinte des voies nerveuses auditives, et/ou des structures centrales de l’audition
- Les surdités mixtes, associant ces deux composantes.
80% des surdités précoces non liées à des otites sont d’origine génétique. Le déficit auditif peut exister dès la naissance ou apparaître plus tardivement jusqu’à l’âge adulte.
« Il peut être difficile d’identifier les causes génétiques d’une surdité car des anomalies dans plusieurs gènes différents peuvent entraîner un même type de surdité alors que des gènes identiques peuvent provoquer des surdités différentes selon la manière dont ils sont altérés : une mutation d’un gène peut par exemple provoquer une surdité isolée (non syndromique), alors qu’une autre mutation de ce même gène peut provoquer une surdité syndromique, c’est-à-dire accompagnée d’autres symptômes », explique Sylvain Ernest, chercheur à l’Institut Imagine.
Environ 200 gènes responsables de surdités non syndromiques ont été découverts à ce jour, et 500 surdités syndromiques ont été décrites, pouvant être associées à des atteintes rénales, oculaires, neurologiques, cardiaques notamment.
Pour plus d’informations sur les surdités, les centres de référence, la prise en charge, les associations de patients, rendez-vous sur le site de la plateforme maladies rares de l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP et de la Filière SensGène.
Surdités génétiques, quel parcours de recherche et de soins pour les patients ?
Pour améliorer le diagnostic et la prise en charge de ces patients, les équipes de recherche et de soins travaillent à comprendre les causes multiples de ces surdités et espèrent pouvoir trouver des traitements. Elles proposent un parcours de recherche et de soins fonctionnant en boucle et positionnant les patients au centre du dispositif. Cette boucle vertueuse part du cas particulier de chaque patient pour revenir vers lui.
La consultation, première étape du parcours du patient
A Imagine, tout part du patient. Les enfants ou adultes atteints de surdité génétique consultent généralement auprès du Dr Sandrine Marlin, qui dirige le centre de référence des surdités génétiques de l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, affilié à Imagine.
Engagée, cette médecin passionnée, fille d’une maman professeure à l’Institut national des enfants sourds est, depuis toujours, entourée de personnes sourdes ou malentendantes. Très investie dès son master à l’Institut Pasteur, elle crée, en 1995, la première consultation mondiale de génétique clinique dédiée aux surdités d’origine génétique. Depuis les années 2000, elle a constitué le 1er réseau regroupant ORL, généticiens cliniciens et biologistes moléculaires spécialisés. Elle dirige ce réseau national qui, en 2004, a été labellisé par le Ministère de la Santé « centres de référence maladies rares ».
Dans ces consultations, le Dr Sandrine Marlin propose une prise en charge multidisciplinaire avec un(e) psychologue, un(e) infirmier(ère), et une conseillère de génétique. Cette prise en charge est faite en lien direct avec l’équipe d’ORL et une équipe de biologiste spécialisée (Dr Laurence Jonard). Les méthodes de communications lors des consultations sont adaptées à chaque famille. Le site pédiatrique du centre de référence Surdités génétiques travaille en collaboration avec une équipe spécialisée à l’hôpital Pitié Salpêtrière (ORL ; Sage-femme spécialisée) pour permettre une transition enfant-adulte adaptée.
Environ 1/3 des consultations concernent des adultes et 2/3 des enfants, cherchant avant tout à connaître la cause de leur surdité. Lors de cette consultation, le Dr Marlin va chercher à poser un diagnostic et une cause en analysant un ou plusieurs gènes déjà connus pour causer des surdités. Si aucune mutation n’est identifiée lors de ces analyses; une étude de recherche peut être proposée dans le laboratoire associé d’Imagine.
2ème étape : la recherche prend le relai pour appuyer la médecine
Dans le laboratoire d’embryologie et génétique des malformations, dirigé par Jeanne Amiel à Imagine, les Dr Sandrine Marlin et Sylvain Ernest cherchent à identifier de nouveaux gènes impliqués dans les surdités. En fonction de la manière dont le gène est altéré, il pourra provoquer différents types de surdités, isolées ou syndromiques. L’équipe de recherche à Imagine se consacre avant tout aux surdités congénitales, apparues à la naissance ou tôt dans l’enfance, et notamment aux surdités neurosensorielles, avec malformations et/ou syndromiques.
Pour trouver la cause de la surdité du patient, les chercheurs identifient des mutations dans des gènes candidats en étudiant la partie dite codante de l’ADN, celle qui se traduit en protéines. Ils étudient notamment si une mutation produit une protéine anormale qui existe dans l’oreille ; si cette protéine est impliquée dans le développement ou le fonctionnement de l’oreille ; si cette atteinte est retrouvée dans d’autres familles. Si aucune anomalie n’est retrouvée dans la partie d’un gène qui est transformée en protéine, la recherche d’anomalies peut s’étendre à d’autres éléments ayant un impact sur l’expression des protéines et leur régulation et pouvant, par conséquent, également être responsables de la surdité.
Plus de 200 gènes ont déjà été identifiés à travers le monde comme étant la cause de surdités syndromiques. Plusieurs d’entre eux ont été identifiés dans le laboratoire de l’Institut Imagine et de nombreux projets sont en cours, avec des pistes concernant des gènes qui n’ont pas encore été impliqués dans la surdité
3ème étape : de la recherche vers le patient, le diagnostic
Si l’équipe de recherche parvient à identifier un nouveau gène responsable de la surdité du patient, elle revient alors vers les familles ayant participé pour leur faire connaître la cause de leur surdité.
Ces avancées scientifiques vont ensuite bénéficier aux autres patients, en étant intégrées dans les tests génétiques proposés en consultation. L’identification d’un nouveau gène peut donc permettre de fournir un diagnostic à d’autres patients en attente mais aussi aux futurs patients présentant la même anomalie génétique. L’identification de la cause de la surdité permet d’améliorer la prise en charge médicale (indications de certaines prothèses auditives ; conseils et prise en charge pour les futures grossesses ; pronostic évolutif ; préventions …). Ces découvertes participent également à une meilleure compréhension du fonctionnement de l’audition en général et à la recherche de traitements.
Une fois le diagnostic posé, la prise en charge des patients
A ce jour, il existe des prises en charge multidisciplinaires de différents types mais il n’y a pas encore de traitement. Cependant, les résultats des recherches menées à Imagine permettent de penser que des traitements seront disponibles dans le futur.
L’équipe de recherche dédiée aux anomalies du développement de l’oreille à Imagine, en collaboration avec le service d’ORL de Necker-Enfants malades AP-HP et l’Institut de l’Audition, travaillent d’ores et déjà sur un projet de recherche hospitalo-universitaire (RHU) visant à développer une première thérapie génique pour un type de surdité profonde de l’enfant.