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Une voie de signalisation est une série d’étapes, initiées par un stimulus, impliquant plusieurs molécules au sein d'une cellule biologique. La voie NF-κB est une voie clé dans le fonctionnement des réponses immunitaire et inflammatoire. Elle peut être activée par deux voies d’activation différentes :
La voie canonique : qui s’active très rapidement et permet une reprogrammation rapide des cellules immunitaires face à un antigène ou une agression.
La voie non-canonique : qui s’active plus lentement grâce à des stimulations plus spécifiques et a un rôle plus restreint. Elle est notamment importante pour l’immunité contrôlé par les anticorps.
Cette voie de signalisation NF-κB nécessite pour être activée des kinases, des protéines “interrupteurs” régulant de nombreux processus intracellulaires, que sont IKKα (étudiée ici) et IKKβ, toutes deux codées par le gène CHUK. Il était initialement considéré que IKKα avait un rôle clé pour l’activation de la voie non-canonique, mais qu’elle n’était pas nécessaire pour l’activation de la voie canonique, elle-même surtout régulée par IKKβ.
Quentin Riller, ainsi que Frédéric Rieux-Laucat, directeur du laboratoire “Immunogénétique des maladies auto-immunes pédiatriques” à l’Institut Imagine (Inserm, AP-HP, Université Paris Cité) se sont intéressés à une patiente souffrant d'une immunodéficience syndromique et de diverses dysrégulations immunitaires. Dans une première étude par une équipe de recherche néerlandaise, une mutation hétérozygote (présente sur un seul des allèles) du gène CHUK avait déjà été identifiée chez cette patiente sans être étudié sur le plan fonctionnel.
Les chercheurs de l’Institut Imagine ont observé dans les cellules de la patiente une importante altération de la voie non-canonique NF-κB. De façon encore plus surprenante, ils ont aussi observé des défauts partiels dans la voie canonique ; qui n’était pas censé être régulée par IKKα. Les chercheurs ont alors mis en évidence une seconde mutation hétérozygote sur ce gène, dans l’autre allèle. Les chercheurs décrivent donc pour la première fois des variants hétérozygotes composites dans le domaine kinase de IKKα responsable d’un déficit immunitaire.
De plus, la réintroduction du gène CHUK sous sa forme non mutée permet de rétablir l’activation de la voie non-canonique de NF-κB. Cela signifie donc qu’une production correcte d’IKKα peut rétablir le bon fonctionnement de la voie non-canonique, ce qui laisse espérer des pistes pour des traitements. Ces résultats, parus dans Journal of Experimental Medicine, remettent en question l’origine de la maladie de la patiente, qui ne serait donc plus liée à une mutation d’IKKα mais à l’effet cumulatif des deux mutations. Cela insiste sur la nécessité d’analyser et de comprendre l’impact de chaque mutation, pour établir un diagnostic le plus fin possible en cas de maladie génétique. Enfin, puisqu’un défaut d’IKKα a fait varier la voie canonique, cette étude confirme qu’il existe une interaction entre les voies canonique et non-canonique. Cela change alors l’idée que nous avions du rôle d’IKKα et élargit la compréhension des déficiences de la voie NF-κB.
Ainsi, cette étude a permis d’élargir notre connaissance sur IKKα et la voie NF-κB, mais aussi l’importance d’une analyse fine et détaillé du génome des patients. Dans le futur, ces chercheurs souhaiteraient créer une cohorte de référence sur le gène IKKα, comme il en existe déjà pour d’autre gènes. Les cas de mutation du gène IKKα, comme celles étudiées, restent cependant très rares, car probablement peu viables ; néanmoins l’établissement d’une telle cohorte renforcerait encore notre compréhension du fonctionnement de la voie NF-κB, impliquée dans de nombreux autres mécanismes physiologiques et d’autres pathologies.
Référence :
Titre de l’article : Mutations disrupting the kinase domain of IKKα lead to immunodeficiency and immune dysregulation in humans
1er auteur et al, JExpMed, 2025
Corresponding author : Quentin Riller et Frédéric Rieux-Laucat
DOI : 10.1084/jem.20240843.