Pr. Marina Cavazzana, pionnière de la thérapie génique et femme engagée

Au premier regard échangé avec le Pr Marina Cavazzana transparaissent tout le dynamisme, l’énergie et la volonté de cette médecin-chercheuse. Et de la volonté, il en a fallu à celle qui est désormais internationalement reconnue comme la pionnière de la thérapie génique. « Le succès des premiers essais cliniques m’ont convaincue que je devais absolument passer outre les freins rencontrés et poursuivre mes recherches pour le bénéfice des jeunes patients » explique le Pr Marina Cavazzana qui aujourd'hui met tout en œuvre pour généraliser le dépistage néonatal de la drépanocytose, la plus fréquente des maladies génétiques.

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La thérapie génique : un espoir pour les maladies génétiques

La thérapie génique a de quoi faire rêver les patients atteints de maladie génétique puisqu’il s’agit de remplacer le gène « malade » par un gène sain. En réalité, c’est beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Comme l’illustreront d’ailleurs les premiers essais cliniques chez les enfants atteints de déficit immunitaire combiné sévère lié à l’X en 1999, qu’elle réalise avec les Prs Alain Fischer et Salima Hacein-Bey-Abina (Unité Inserm 768 Développement normal et pathologique du système immunitaire”, Département de Biothérapies et Unité d’Immunologie et d’Hématologie pédiatrique, Hôpital Necker Enfants Malades AP-HP, Université Paris Descartes, Paris). Bien qu’ils aient montré pour la première fois l’efficacité de ce traitement novateur, ils ont aussi mis au jour des failles qu’il a fallu résoudre. Depuis, le traitement n’a cessé de s’améliorer et il est désormais déployé pour d’autres pathologies.

« Réparer » les gènes

« La thérapie génique peut se faire in vivo directement dans l’organisme du patient. Cette approche est privilégiée dans les maladies du système nerveux central, neuro-musculaire ou du métabolisme, décrit la professeure. Etant spécialiste des pathologies du sang, les approches que j’ai développées avec mon équipe se déroulent ex-vivo. » Dans un premier temps, des cellules souches de la moelle osseuse, ces cellules capables d’engendrer l’ensemble des lignées cellulaires présentes dans le sang, sont prélevées. Avant de les réinjecter au patient, un gène fonctionnel est introduit dans ces cellules pour suppléer le gène déficient. « Avec cette approche, nous avons pu récemment guérir des enfants atteints des deux formes d’anémie d’origine génétique : la drépanocytose et la bêta-thalassémie », se réjouit Marina Cavazzana. Les malades traités par thérapie génique produisent désormais de l’hémoglobine en quantité suffisante et n'ont plus besoin d’être transfusés.

Découvrir d’autres pistes

« Si en théorie, la thérapie génique pourrait être proposée à tous les patients atteints de maladie génétique, enchaîne-t-elle, je suis consciente que cela ne sera pas possible. Les recherches doivent donc se poursuivre pour mettre au point d’autres approches thérapeutiques. » Et celle dont la conviction a été plus forte que les freins contre la thérapie génique a déjà en tête différentes pistes pour, entre autre, réduire les rejets de greffe émanant de donneurs partiellement compatibles. Car, dans ce cas, les chances de succès n’excèdent pas 50 % - et peuvent descendre à 30 % parfois - contre 90% avec un donneur familial compatible.

Dans ce combat, elle souligne l’importance d’être à Imagine : c’est un accélérateur pour mes recherches, explique-t-elle. Mon équipe dispose des technologies les plus pointues, mais aussi de tout un réseau pluridisciplinaire de chercheurs et de médecins. Elle espère que prochainement, des essais de thérapies géniques voient le jour dans d’autres pathologie comme les myopathies.

Pour traiter toujours plus de patient, la professeure d’hématologie se lance un autre défi : inciter les futures générations de médecins toutes spécialités confondues à la créativité, à aller au-delà de ce qu’on leur enseigne pour mettre au point les thérapies innovantes de demain.

Être à l'Institut Imagine, c'est un accélérateur pour mes recherches
 

Pr Marina Cavazzana

Le combat d’une femme engagée

Il reste en effet encore beaucoup à explorer pour faire reculer les maladies génétiques, et c’est en cassant les murs que demain, de nouvelles solutions verront le jour, et cela ne concerne pas que les traitements : il faut aussi, selon elle, réduire l’isolement des adolescents pris en charge, déployer des moyens de communication plus adaptés à ces générations.

Lauréate 2012 du prix Irène Joliot-Curie décerné par le Ministère de la Recherche et de l'Enseignement Supérieur, elle porte haut ce titre de femme scientifique de l’année et ne cesse de déplorer la sous-représentativité des femmes en sciences et en médecine. Dans son laboratoire, quelques règles simples assurent une place équitable à chacun : pas de réunion après 17h, aménagement du temps de travail pour les femmes avec des enfants en bas âge, protection vis-à-vis de propos ou d’attitudes déplacés d’autres collègues, soutien jusqu’à l’obtention d’un poste. Là aussi, il s’agit de casser un mur, celui du silence vis-à-vis des abus de pouvoir, rappelle-t-elle.

Marina Cavazzana est de tous les combats et s’applique à elle-même la devise qui lui tient tant à cœur : ne pas se décourager et ne jamais baisser les bras.

 

Son nouveau combat pour un dépistage néonatal de la drépanocytose

Parmi les derniers engagements de Marina Cavazzana figure le dépistage néonatal généralisé de la drépanocytose et ce, afin de prévenir la survenue de manifestations et de complications graves de ce de cette pathologie, la plus fréquente des maladies génétiques.

Le dépistage néonatal est aujourd’hui proposé dans la population générale uniquement dans les départements d’outre-mer. En France métropolitaine, il est restreint aux nouveau-nés à risque, soit ceux dont les parents sont originaires de régions à risque.

Lors d’une étude effectuée entre février et mai 2017 par Marina Cavazzana en collaboration avec le service de genetique du Pr Munnich et l'ADPHE dirigé par le Pr M.Pollack, ce dépistage ciblé  s’est révélé inadapté : en effet sur les 48 143 nouveau-nés testés – 31 405 issus de la population ciblée t 16 778 de celle non-ciblée, 61 enfants atteints de drépanocytose ont été dépisté dont 5 dans la population-non ciblée. A cela s’ajoute les 1588 enfants porteurs d’une mutation d’un seul gène et ne développant pas la maladie (car pour cela les deux gènes celui issu de la mère et celui issu du père doivent être mutés) mais pouvant la transmettre à leur descendance et dont 155 sont issus de la population non-ciblée. « Au-delà de démontrer la pertinence d’étendre le dépistage néonatal de la drépanocytose à l’ensemble de la population, cette étude pointe du doigt le besoin d’informations des professionnels de santé et des sujets hétérozygotes (NDLR porteurs d’une mutation d’un seul gène), » souligne la professeure.

D’ailleurs elle vient de publier une étude qui évalue trois manières différentes de fournir des informations aux parents qui risquent d'avoir un enfant atteint de drépanocytose. « Une meilleure information devrait permettre d’augmenter le taux de dépistage parental et parallèlement de diminuer le nombre de nouveaux cas par an en France », explique-t-elle. Il s’avère que l’envoi d’une lettre suivie d'un appel téléphonique ou de trois SMS est plus efficace qu'une lettre seule pour informer les parents qui risquent d'avoir un enfant atteint de drépanocytose. « Il s’agit désormais d’informer et former tous les professionnels de santé concernés en vue de la la mise en œuvre effective de ce programme, » enchaîne-t-elle.

En complément, elle a également validé un test rapide sur goutte de sang qui pourrait être mis à disposition de tous les cabinets de ville.

« Tout est en place pour généraliser le dépistage néonatal de la drépanocytose, c’est désormais au pouvoir public de passer à l'acte car elle a eu l'occasion de saisir sur ces chiffres préoccupantes l'HAS et le Ministère de la Santé » conclut-elle.

 

Marina Cavazzana est professeure d’hématologie à l’Université Paris-Descartes, cheffe du département de Biothérapie et du Centre d’Investigation Clinique de biothérapie de l’Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP et co-directrice du laboratoire de Lymphohématopoïèse humaine Inserm à l’Institut des maladies génétiques Imagine, Paris, France.