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Immunologie, biologie cellulaire et intelligence artificielle
En créant son équipe ATIP-Avenir Inserm en juin 2017 à l’Institut Imagine, Mickaël Ménager réalise en quelque sorte un rêve d’enfance : c’est en regardant le Pr Alain Fisher, premier directeur d’Imagine, dans une émission de télévision que l’envie lui est venue de devenir chercheur. Il effectue ses premiers pas dans l’équipe de Geneviève de Saint-Basile – dans l’unité que dirige Alain Fisher – , qui s’intéresse aux patients atteints de déficits immunitaires à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP. L’immunologie ne le lâchera plus : après sa thèse, il part aux Etats-Unis dans le laboratoire de Dan R. Littman à New-York, un des grands spécialistes du système immunitaire. « Nous voulions comprendre pourquoi les cellules dendritiques, souvent décrites comme les sentinelles de l’organisme, alors qu’elles sont résistantes à l’infection par le VIH-1 étaient capables de le transmettre aux lymphocytes, » se remémore le chercheur. Pour appréhender ce mécanisme, il recourt à nombre d’outils de la génétique. Et l’explication viendra de modifications du cytosquelette des cellules dendritiques.
Zoomer sur la cellule
De cette expérience transverse entre immunologie, virologie et biologie cellulaire, il revient avec la certitude qu’il faut aborder le système immunitaire en analysant de la façon la plus précise qu’il soit les cellules qui en sont le bras armé et leur diversité. « L’objectif de mon équipe est d’explorer la complexité de la réponse immunitaire innée et de l'autoinflammation, et cela, à l’échelle de la cellule unique (single-cell), explique Mickaël Ménager. A partir de l’expression des gènes collectés dans chaque cellule du sang, notre idée est d’établir une carte fonctionnelle d’interactions et connections entre les gènes. »
La réponse inflammatoire est normalement bénéfique à notre organisme : elle l’aide à lutter contre les infections, les cancers ou certains traumatismes de nos tissus en activant les cellules du système immunitaire. Pourtant dans certains cas, en raison notamment de mutations dans des gènes, cette réponse peut être non contrôlée et excessive, entraînant alors des pathologies caractérisées notamment par de fortes fièvres et des inflammations généralisées ou ciblées sur certains organes, avec un système immunitaire qui se retourne alors contre l’hôte qu’il doit normalement protéger.
L’objectif de mon équipe est d’explorer la complexité de la réponse immunitaire innée et de l'autoinflammation, et cela, à l’échelle de la cellule unique (single-cell),
A la croisée des données
En utilisant l’intelligence artificielle ou plus exactement le « machine learning », comme le précise Mickaël Ménager, il espère pouvoir mettre au jour des voies jusqu’à présent insoupçonnées dans ces pathologies. Plutôt que de rechercher la présence d’altération dans les 30 000 gènes contenus dans une cellule, son approche vise à identifier des réseaux d’interactions entre eux. Objectif : découvrir des dérégulations pouvant être responsables de certains syndromes avec bien évidemment l’idée à terme de pouvoir les restaurer. Car Mickaël Ménager pense déjà à demain et à comment ces nouveaux outils technologiques serviront à mieux prendre en charge les patients atteints entre autre de maladies génétiques. Avec Nicolas Garcelon et d’autres chercheurs d’Imagine, il veut exploiter le formidable potentiel de Dr Warehouse, une plateforme de Data science développée par Imagine, Necker enfants-malades AP-HP et l’hôpital Foch.
« Imaginons un patient dont les signes cliniques sont évocateurs d’un syndrome génétique associé à des pathologies auto-immunes et/ou auto-inflammatoires, décrit le chercheur. On pourrait en fonction de ces critères lui proposer un kit diagnostique reposant sur l’analyse des réseaux d’interactions de gènes, conduite auparavant par nos équipes à Imagine, et ainsi déterminer précisément la nature de sa pathologie et, s’il existe, lui proposer un traitement. » Mais le chercheur se veut rassurant : cette médecine basée sur l’intelligence artificielle n’exclut en aucun cas les soignants, au contraire elle pourrait leur permettre de mieux prendre soin de la personne malade.