Les causes génétiques des infections graves à staphylocoques

Dans une nouvelle étude parue dans la revue Science, les chercheurs du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, co-dirigé par Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel, et divisé en deux branches à l'Université Rockefeller et à l'Institut Imagine (APHP, Inserm, Université Paris-Cité), ont étudié la susceptibilité génétique aux formes sévères d'infections au Staphylocoque doré. Ils ont mis en évidence que des mutations du gène OTULIN altère l'immunité intrinsèque des cellules, entraînant ces formes sévères. C'est la première fois qu'un déficit de cette immunité intrinsèque est mis en cause dans une infection bactérienne.

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Accélérer la recherche

(traduit du communiqué de l'Université Rockefeller )

Le Staphylococcus aureus (S. aureus) – ou Staphylocoque doré – est responsable d'infections cutanées et respiratoires. Entre 20 et 30 % des personnes sont porteuses de colonies sur leur peau et dans leurs narines sans autres symptôme qu'une éruption cutanée occasionnelle. Mais dans certains cas, ces bactéries provoquent des infections qui entraînent des complications mortelles, comme la pneumonie, les infections cutanées profondes et la septicémie. Jusqu'à présent, il n'existait aucun moyen de prédire quelles infections pouvaient prendre une tournure mortelle.

Aujourd'hui, une nouvelle étude décrit les mutations qui prédisposent les patients aux infections graves à staphylocoque. Cette recherche, publiée dans le journal Science, identifie un gène muté commun à plusieurs patients qui souffrent d'infections potentiellement mortelles et suggère que les personnes atteintes d'une maladie génétique connue sous le nom de syndrome 5p- ou Cri-du-chat pourraient être exposées à un risque similaire.

« Nous avons caractérisé l'infection sévère à Staphylococcus aureus aux niveaux génétique, cellulaire, immunologique et clinique", explique András Spaan, premier auteur de l'étude. "En intégrant tous ces niveaux, nous avons établi le lien de causalité entre la mutation et ces formes sévères. Nous avons également fourni des pistes pour de futures interventions thérapeutiques ».

Une première pour l'immunité intrinsèque des cellules

Pour mieux comprendre pourquoi S. aureus provoque des maladies chez certaines personnes mais pas chez d'autres, les scientifiques du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, dirigé par l'immunologiste Jean-Laurent Casanova, à l’Université Rockefeller et à l’Institut Imagine, ont examiné les génomes codant les protéines de plus de 100 patients ayant souffert de graves infections à staphylocoque inexpliquées.

Le fil conducteur génétique reliant ces patients disparates étaient des mutations d'un gène appelé OTULIN, situé au niveau du bras court du chromosome 5. Ce gène code une enzyme impliquée dans la régulation de l'inflammation. Ces patients n'étaient pas entièrement dépourvus d'OTULIN – seule une des deux copies du gène était mutée – mais cette déficience semblait suffire à les rendre vulnérables à des infections qui n'auraient pas eu d’effet notable sur d'autres personnes.

Les scientifiques s'attendaient à découvrir que la déficience en OTULINE paralysait les globules blancs ou empêchait le système immunitaire d'éliminer la bactérie S. aureus. Mais une analyse plus approfondie a révélé que ces mutations provoquent indirectement l'agrégation d'une protéine non apparentée à la surface des cellules de la peau et des poumons, ce qui bloque l’arsenal utilisé par les cellules pour se défendre contre une toxine produite par S. aureus. Ce mécanisme de défense est connu sous le nom d'immunité intrinsèque des cellules.

Cette découverte est particulièrement surprenante car, jusqu'alors, les défauts spécifiques de l'immunité intrinsèque des cellules n'étaient liés qu'à une prédisposition à certaines infections virales : du Covid à l’herpès, en passant par l’encéphalite. Il n'avait jamais été démontré qu'elle jouait un rôle dans les maladies bactériennes. « Il s'agit du premier cas connu d'immunodéficience intrinsèque cellulaire prédisposant les patients à une infection bactérienne », déclare András Spaan.

Un rôle plus important pour l'OTULINE

Bien que les patients étudiés par l’équipe de Jean-Laurent Casanova n'aient perdu qu'une seule copie d'OTULIN, les personnes nées sans copie fonctionnelle de ce gène sont confrontées à un grand nombre de maladies inflammatoires précoces, qui sont souvent fatales au cours de la première année de vie.

Cette observation a conduit András Spaan à conclure qu'une copie fonctionnelle d'OTULIN est suffisante pour prévenir les maladies inflammatoires, mais insuffisante pour protéger contre les infections à staphylocoques potentiellement mortelles – un mécanisme génétique connu sous le nom d'haploinsuffisance. « Le mécanisme génétique était important à cernerEn effet, les personnes possédant deux copies fonctionnelles du gène semblent être en bonne santé, celles qui n'ont pas de copies fonctionnelles souffrent d'une maladie auto-inflammatoire et celles qui n'ont qu'une seule copie fonctionnelle sont sensibles aux infections graves à staphylocoques. », résume András Spaan.

Compte tenu de cette règle générale, les chercheurs ont émis l'hypothèse que toute population à laquelle il ne manque qu'une copie d'OTULIN serait de la même façon prédisposée aux infections graves. Ils ont donc examiné un groupe de volontaires atteints du syndrome 5p, le trouble de délétion chromosomique le plus courant chez l'homme, caractérisé par des retards de développement, des déficiences intellectuelles et, chez les nourrissons, un cri aigu. La plupart des patients atteints du syndrome 5p sont ainsi dépourvus de la totalité du bras court du chromosome 5 et, par conséquent, vivent invariablement leur vie avec une seule copie fonctionnelle d'OTULIN.

 

En effet, en examinant six patients atteints du syndrome 5p, l'équipe a constaté qu'un tiers d'entre eux étaient sensibles aux infections pulmonaires. « Nous avons pu démontrer que cette susceptibilité était due au fait qu'ils n'avaient qu'une seule copie fonctionnelle d'OTULIN », explique le chercheur. « A bien des égards, ces patients ressemblaient génétiquement aux patients que nous avions identifiés comme souffrant d'infections sévères à staphylocoque. Tant sur le plan clinique que sur le plan cellulaire, on pourrait presque dire qu'ils ont la même maladie ».

Les résultats ne signifient pas que toutes les personnes présentant une haplo-insuffisance en OTULIN ou un syndrome 5p- contracteront des infections graves. En fait, les résultats initiaux de l'étude suggéraient que seuls 30 % des individus présentant ces mutations développent une maladie grave. La raison pour laquelle l'haplo-insuffisance en OTULIN semble causer la maladie chez certains patients mais pas chez d'autres - un phénomène courant que les chercheurs en génétique appellent "pénétrance incomplète" - fera l'objet d'études de suivi.

Pourquoi certaines personnes porteuses de ces mutations sont-elles en parfaite santé, alors que d'autres tombent super malades et peuvent même mourir ? « De nombreux troubles génétiques agissent de cette manière, mais cela reste déroutant ».

Une réponse potentielle a déjà fait surface. L’équipe de Jean-Laurent Casanova a constaté que les personnes présentant des mutations de l'OTULINE mais aucun signe de maladie grave avaient des taux élevés d'anticorps qui neutralisent la toxine produite par S. aureus, peut-être en raison d'une exposition antérieure à la bactérie. Les personnes atteintes d'une maladie grave, en revanche, avaient très peu d'anticorps.

Des recherches plus poussées sur la prédisposition génétique aux maladies, en particulier celles qui sont aussi difficiles à traiter que les infections staphylococciques, pourraient contribuer au développement de futures thérapeutiques. « Les études sur ces troubles peuvent servir de boussole, indique András Spaan. « Nos recherches clarifient les interactions entre les hôtes et les agents pathogènes, révélant des perspectives scientifiques sur la pathogenèse et l'immunité ».

 

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