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Environ 5 % des personnes atteintes de Covid-19 évoluent vers une forme grave ou critique, et développent notamment une pneumonie sévère se transformant en syndrome de détresse respiratoire aiguë. Si ces formes surviennent parfois au début de la maladie, les observations cliniques décrivent généralement une progression de celle-ci en deux étapes, commençant par une forme légère à modérée, suivie d'une aggravation respiratoire 9 à 12 jours après l'apparition des premiers symptômes. Cette évolution soudaine suggère une dérégulation de la réponse inflammatoire de l'hôte. Un nombre croissant d’indications suggère que cette aggravation est provoquée par une forte augmentation des cytokines. Cet emballement de la réponse inflammatoire est corrélé à une infiltration massive dans les poumons de cellules immunitaires innées, à savoir des neutrophiles et des monocytes, créant des lésions pulmonaires et un syndrome de détresse respiratoire aigu.
Par analogie avec une maladie génétique conduisant à une pathologie pulmonaire semblable et identifiée à l’Institut Imagine par l’équipe du chercheur Inserm Frédéric Rieux-Laucat, l’hypothèse initiale supposait une production excessive des interférons (IFN) de type 1, un marqueur de la réponse aux infections. Or, chez les patients gravement malades, les équipes de Darragh Duffy (Unité d’Immunobiologie des cellules dendritiques, Institut Pasteur/Inserm), de Frédéric Rieux-Laucat (Laboratoire d’immunogénétique des maladies auto-immunes pédiatriques de l’Institut Imagine - Inserm/Université de Paris), de Solen Kernéis (Equipe Mobile d’Infectiologie, AP-HP.Centre - Université de Paris) et de Benjamin Terrier (Département de Médecine Interne, AP-HP. Centre - Université de Paris) montrent que la production et l’activité des IFN de type I sont fortement diminuées dans les formes les plus sévères de la Covid-19. A cela s’ajoute une charge virale sanguine persistante, témoignant du mauvais contrôle de la réplication virale par le système immunitaire des patients, et conduisant à l’emballement d’une réponse inflammatoire inefficace et pathologique. L'inflammation, provoquée par le facteur de transcription NF-kB, entraîne par ailleurs une augmentation de la production et de la signalisation du facteur de nécrose tumorale (TNF)-alpha et de l'interleukine IL-6, une cytokine pro-inflammatoire.
Un taux d’IFN de type 1 caractéristique de chaque stade de la maladie
Cette faible signature des IFN de type I diffère de la réponse induite par d'autres virus respiratoires tels que le virus respiratoire syncitial humain ou le virus de la grippe A, tous deux caractérisés par une forte production de l'IFN de type I.
L’étude révèle par ailleurs que de faibles taux d'IFN de type 1 dans le plasma précèdent l’aggravation clinique des patients et leur transfert en soins intensifs. Les taux d’IFN de type 1 circulant caractériseraient même chaque stade de maladie, les taux les plus bas étant observés chez les patients les plus graves. Ces résultats suggèrent que dans l’infection à SARS-CoV-2, la production de l'IFN de type I est freinée chez l'hôte infecté, ce qui pourrait expliquer les formes sévères plus fréquentes chez des individus faiblement producteurs de cette cytokine, comme les personnes âgées ou ceux ayant des comorbidités.
Par conséquent, la déficience en IFN de type I pourrait être une signature des formes graves de COVID-19 et pourrait permettre d’identifier une population à haut risque.
Ces résultats suggèrent en outre que l'administration d'IFN-alpha combinée avec une thérapie anti-inflammatoire ciblant l'IL-6 ou le TNF-α, ou des corticoïdes comme la dexamethasone chez les patients les plus sévères, pourrait être une piste thérapeutique à évaluer pour enrayer les formes sévères de COVID-19.