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Le virus de l’Herpes simplex (HSV-1), extrêmement répandu sur terre mais le plus souvent bénin, peut néanmoins être la cause chaque année, chez 2 à 4 personnes par million d’habitants, d’encéphalites virales létales si non traitées. Ces formes d’encéphalites (HSE) apparaissent le plus fréquemment entre 6 mois et 3 ans, et peuvent être suivies par des réapparitions à l’âge adulte. Le virus s’accumule dans le système nerveux central, où il va causer des séquelles neurologiques importantes.
Depuis 2006, des mutations spontanées sur les voies TLR3 et IFNAR1 ont été identifiées comme contribuant à la susceptibilité à cette maladie, due aux déficits d’immunité antivirale médié par les interférons de type I (IFN-I) dans les cellules intrinsèques du système nerveux central. D’autre part, des mutations sur les gènes SNORA31 et DBR1 ont été identifiées chez autres enfants atteints d’HSE, due aux altérations des nouveaux mécanismes antiviraux pas encore parfaitement établis.
Plus récemment, l’équipe de l’Institut Imagine a accompagné une jeune fille française, globalement en bonne santé, ayant souffert de deux crises de HSE très tôt dans sa vie [1]. Le séquençage de son génome a permis de cibler le gène-candidat RIPK3, qui permet la synthèse d’une kinase ubiquitaire régulant la mort cellulaire (notamment apoptose et nécroptose), et qui présentait chez la patiente deux mutations différentes mais ayant chacune pour conséquence d’altérer la protéine RIPK3. Il est déjà établi que la régulation de la mort cellulaire permet de défendre l’organisme contre les herpes virus, notamment en limitant les « espaces » dans lesquels les virus peuvent se reproduire et s’accumuler, augmentant ainsi la charge virale.
Pour confirmer que ces mutations étaient liées à l’émergence de la HSE chez la jeune fille, l’équipe a mesuré le taux de protéine RIPK3 exprimée dans les cellules de la patiente. Ils n’ont pas pu détecter de RIPK3 dans les fibroblastes de la patiente, qui se sont de plus révélés particulièrement susceptibles à l’infection par HSV-1. De même, un très faible taux de mort cellulaire programmée, accompagné d’un très fort taux de réplication du virus HSV-1, a pu être mesuré dans les neurones dérivées des cellules hPSC (human pluripotent stem cells) de la jeune fille.
Ces données confirment que l’immunité antivirale des neurones est dépendante de l’apoptose et de la nécroptose régulées par RIPK3. En cas de défaillance de ce mécanisme cellulaire, les neurones sont beaucoup plus sensibles à l’infection par HSV-1 ; la progression de cette infection dépend elle-même potentiellement des voies impliquant TLR3, ZBP1/DAI et/ou autre facteurs, dont il est suspecté depuis longtemps qu’ils sont impliqués dans la mort cellulaire, et qui seraient contrôlés entre autres par la kinase RIPK3. Le déficit récessif de RIPK3 est la 15ème cause génétique de l’HSE identifiée à ce jour.
Le seul traitement actuel pour les cas de HSE est l’injection d’acyclovir (qui va activer plusieurs mécanismes permettant la mise en place d’un état de résistance aux virus), sans que ce traitement ne soit complètement efficace. Grâce à ces travaux sur la prédisposition génétique à l’HSE, une étape supplémentaire pour la compréhension de l’infection par HSV-1 qui peut dégénérer en encéphalite grave, permet d’envisager une possibilité de dépistage très précoce dans les familles risquant d’être confrontées à la maladie, afin d’anticiper au mieux les séquelles de cette maladie.