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Quelle place occupent les maladies génétiques au sein des maladies rares ?
S. Lyonnet : On admet que 80 % des maladies dites rares sont d’origine génétique. Les maladies rares touchent moins d’une personne sur 2 000. Prises séparément, ces maladies sont très peu fréquentes, voire exceptionnelles, mais à l’échelle de l’Europe, elles touchent 35 millions de personnes. En France, 3 millions de personnes sont concernées, soit près d’un français sur 20. Les maladies génétiques surviennent en raison d’une altération dans l’entité de base qui compose notre organisme, la cellule, au niveau de notre génome. Dès lors qu’un gène est touché, il s’en suit la production de protéine défaillante ou son absence. Or, ces molécules sont censées remplir des fonctions bien précises dans les cellules. L’endommagement d’un seul gène perturbe de façon plus ou moins nocive de multiples organes, impactant la vie des personnes concernées. Mais les mécanismes d’une même maladie rare ou d’un même genre de ces maladies peuvent être variés. Par exemple, l’équipe de Corinne Antignac à Imagine a été la 1ère en 2001 à mettre en évidence une origine génétique au syndrome néphrotique cortico-résistant. Chez ces patients, le rein joue mal son rôle de tri des macromolécules. En conséquence, des protéines normalement retenues dans le sang s’accumulent dans l’urine. Et depuis, plus de 20 autres gènes ont été identifiés comme pouvant être à l’origine ce syndrome.
Qu’est-ce que cela apporte de connaître l’anomalie génétique en cause ?
SL : L’identification du gène défectueux est indispensable à la poursuite des recherches pour mieux comprendre la maladie. Les chercheurs peuvent ainsi explorer les mécanismes cellulaires mis en jeu et surtout tenter de les restaurer. C’est le principe même qui a prévalu à la création d’Imagine : mettre en synergie les expertises des médecins et des chercheurs dans un même lieu pour faire progresser la recherche sur les maladies génétiques et les guérir. Même s’il y a eu d’immenses améliorations liées aux plans maladies rares, les jeunes patients et leur famille arrivent parfois à Imagine après des mois, voire des années, d’errance diagnostique. Nous mettons alors tout en œuvre pour identifier les origines de la maladie. Souvent les familles nous expliquent que l’arrivée à Imagine est vécue par eux comme une dernière chance. Envahies par le doute et souvent le découragement, elles trouvent en Imagine un lieu où des médecins et des chercheurs vont tout faire, avant tout, pour donner un nom à la maladie dont souffre leur enfant, et l’espoir renaît au sein de ces familles.
Et des traitements ont déjà vu le jour à Imagine ?
SL : Il reste encore beaucoup à faire pour soigner tous les enfants, mais chaque guérison nous prouve que nous sommes sur la bonne voie. En 2017 et 2018, sous l’impulsion du Pr Marina Cavazzana, la thérapie génique a fait la preuve de son potentiel pour traiter des enfants atteints des deux formes d’anémie d’origine génétique : la drépanocytose et la bêta-thalassémie. Les malades dont le gène défectueux a été réparé, puisque tel est le principe de ce traitement, produisent désormais de l’hémoglobine en quantité suffisante et n’ont plus besoin d’être transfusés.
Des essais sont aussi en cours chez des enfants et des adolescents atteints d’épidermolyse bulleuse dystrophique, une maladie de la peau qui peut entraîner la perte de la vue, la fusion des doigts et des orteils, ainsi que des cancers. Ils font suite aux travaux de l’équipe d’Alain Hovnanian.
Dans les interféronopathies, les travaux des équipes de Frédéric Rieux-Laucat et Yanick Crow d’Imagine ont permis de décrypter les mécanismes cellulaires déficients et les moyens de les contrecarrer via des Inhibiteurs de JAK1/2. Grâce à ces découvertes, Fanny, arrivée en 2014 à l’institut et présentant des lésions l’empêchant quasiment de marcher, et des crises de douleur allant jusqu’à la faire vomir, vit aujourd’hui comme tous les enfants de son âge. En seulement 3 ans, la synergie des médecins et des chercheurs d’Imagine a permis de décrire une nouvelle maladie, en comprendre la cause génétique, le mécanisme et de mettre au point un traitement. C’est ça la force de l’intégration « soins-recherche » d’Imagine : ne jamais baisser les bras, chercher les bonnes collaborations, innover sans cesse pour vaincre les maladies génétiques.
D’autres enfants comme Fanny ont pu bénéficier du formidable potentiel d’Imagine, mais pourtant les origines génétiques demeurent encore inconnues pour près de la moitié des enfants atteints de maladies génétiques et 95 % des maladies génétiques ne bénéficient d’aucun traitement curatif spécifique. Ce constat ne peut que nous inciter à poursuivre la lutte, ce d’autant que les premiers résultats déjà obtenus démontrent que nous sommes sur la bonne voie.