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L'infection par le virus d'Epstein-Barr (EBV) peut engendrer de graves maladies lymphoprolifératives dont des cancers des lymphocytes B, cellules clés de la réponse immunitaire et cible principale de l’infection. L’infection initiale reste néanmoins souvent asymptomatique, ou provoque seulement une mononucléose infectieuse, un trouble lymphoprolifératif limité. Une vulnérabilité sélective à l'EBV a été rapportée en association avec des mutations héréditaires. Dans ces travaux publiés dans la revue Nature, l’équipe « Activation lymphocytaire et susceptibilité au virus d’Epstein-Barr » dirigée par Sylvain Latour, chercheur du CNRS à l’Institut Imagine, rapporte une nouvelle maladie héréditaire impactant la réponse immunitaire à la primo-infection par l’EBV. Ce travail a été initié par Sarah Winter, en thèse dans l’équipe, qui a identifié les premières mutations dans le gène IL27RA. Suite à son départ, le travail a été poursuivi par Emmanuel Martin, chargé de recherche.
Les mutations identifiées affectent le gène IL27RA, qui code une sous-unité du récepteur à l’IL-27 (interleukine-27), une cytokine dont le rôle dans la réponse immunitaire à l’infection par l’EBV était jusqu’alors inconnue. Lors de la primo-infection par l’EBV, les patients porteurs de cette mutation ont souffert d’un syndrome mononucléosique sévère associé à des symptômes importants (fièvre persistante, hépatite et splénomégalie) causant leur hospitalisation et qui a persisté pendant plusieurs mois. Néanmoins, l'issue restait favorable et les patients n’ont pas développé de cancer des lymphocytes B, une complication fréquemment observée lors d’un mauvais contrôle de l’infection.
L’équipe a donc cherché à comprendre comment la mutation du gène IL27RA affectait l’efficacité du récepteur à l’IL-27 et augmentait la susceptibilité à l’infection par le virus. En l'absence d'IL27RA, l’équipe a montré que les lymphocytes T effecteurs responsables de l’élimination des lymphocytes B infectées par l’EBV s’amplifient mal et leur fonction cytotoxique est altérée. Cette déficience des lymphocytes T chargés de l’élimination des cellules B infectées expliquerait la réaction anormale à l’infection initiale par l’EBV qui n’est pas contrôlée correctement chez les patients.
En parallèle, l’équipe a observé qu‘IL-27 est produite par les lymphocytes B lorsqu’ils sont infectés par l'EBV. Toutefois, l’équipe a aussi montré qu’une boucle de signaux impliquant l’IL27RA et l’IL-27 est nécessaire au maintien des lymphocytes B transformés par l'EBV. En absence d’IL27RA chez les patients porteurs de la mutation, le maintien de cette population de cellules transformées par l’EBV est vraisemblablement altéré. Cela pourrait expliquer l'issue favorable de la maladie virale induite par l'EBV chez les patients déficients en IL27RA.
Enfin, l’équipe a également détecté des auto-anticorps neutralisants l’IL-27 chez la plupart des personnes ayant développé une mononucléose infectieuse sporadique. La présence de ces auto-anticorps neutralisants conforte le rôle critique de l'immunité IL27RA-IL-27 contre l'EBV.
D’un point de vue thérapeutique, ces observations ouvrent la possibilité de manipuler la voie IL-27. L’inactivation de la voie IL-27 pourrait représenter une nouvelle piste thérapeutique pour le traitement des désordres lymphoprolifératifs liés à l’EBV, comme dans le cas des patients recevant un traitement immunosuppresseur.
Référence : Role of IL-27 in Epstein-Barr virus infection revealed by IL27RA deficiency’. Emmanuel MArtin et. al, Nature, le 20 mars 2024
Corresponding author : Sylvain Latour