Des interventions pédagogiques bénéfiques aux collégiens souffrant de difficultés d’apprentissages

Les difficultés d’apprentissage sont un problème d’éducation et de santé publique mondial, particulièrement préoccupant en France, avec une baisse continue du niveau des collégiens en mathématiques et à l’écrit, observée depuis 2014.
Une étude impliquant près de 200 élèves des collèges d'ORT France, un réseau d'établissements d'enseignement général, technique et professionnel sous contrat avec l'État, vient de confirmer l’impact bénéfique d’interventions pédagogiques ciblant les déficits en français et/ou en mathématiques : les compétences essentielles pour l’avenir des collégiens se sont améliorées, voire normalisées, immédiatement après intervention et à distance.
Même si des essais plus larges sont indispensables pour les corroborer, ces résultats soulignent la valeur des interventions pédagogiques par des enseignants formés pour remédier aux difficultés d'apprentissage au collège. Ce constat plaide en faveur de la mise en place de programmes de grande ampleur pour remédier aux difficultés d’apprentissages observées chez les enfants français.

Les Troubles Spécifiques du Langage et des Apprentissages (TSLA), aujourd’hui classés parmi les troubles neurodéveloppementaux, affectent au moins 8% des enfants d’âge scolaire. Ils constituent à ce titre un problème d’éducation et de santé publique mondial. En France, avec une baisse continue du niveau des collégiens en mathématiques et à l’écrit depuis 2014, ils constituent un sujet particulièrement préoccupant. Difficilement catégorisables par leur hétérogénéité, ils correspondent généralement à des difficultés d’apprentissage, qui peuvent être identifiées par un test standardisé de lecture (fluidité et compréhension), d’orthographe et de mathématiques en début d’année scolaire.

Des programmes pionniers de prévention pédagogique nés aux États-Unis se sont donnés pour objectif d’identifier les élèves à risque ou en difficulté, pour répondre à leurs besoins avec une pratique fondée sur les preuves (evidence-based practice). Sous le nom de « réponse à l’intervention » (RAI en français, Response-To-Intervention RTI en anglais), ce programme propose une pédagogie en 3 étapes basée sur les besoins des élèves : palier 1 (pédagogie en classe entière), palier 2 (interventions complémentaires pour les élèves en difficultés) et palier 3 en cas de difficultés persistantes. En France, les évaluations nationales ont été instaurées pour repérer les élèves nécessitant les aides au palier 2. Le guide de la Haute Autorité de Santé reconnait le rôle préventif des interventions pédagogiques et décrit la prise en charge du palier 3.

Le Professeur Arnold Munnich (Institut Imagine, Inserm, AP-HP, Université Paris Cité) et la Docteure Catherine Billard (Association pour la Recherche sur les Troubles des Apprentissages, ARTA) et leurs équipes ont, avec le soutien d'ORT France, évalué au cours des années 2021 et 2022 l’impact d’interventions pédagogiques en petits groupes, par comparaison avec l’absence d’intervention, dans un échantillon d’élèves de 6ème et 5ème en difficulté d’apprentissages en français et/ou en maths. A la différence de la majorité des interventions rapportées, cette étude cible les élèves en difficulté d’apprentissages à un stade avancé de leur scolarité y compris des élèves correspondants aux critères de TSLA.

Le protocole a été élaboré et supervisé par une équipe de recherche pluridisciplinaire comportant une neuropédiatre, une neuropsychologue, une orthophoniste et un méthodologiste statisticien, en collaboration avec l’équipe pédagogique du collège formée aux apprentissages typiques et atypiques. 

Les résultats de l’étude, qui viennent d’être publiés dans le journal Neuropsychiatrie de l'Enfance et de l'Adolescence, montrent clairement les bénéfices, en complément du programme scolaire régulier, d’interventions pédagogiques en petits groupes et ciblant les déficits en français et/ou en mathématiques. Les bénéfices principaux concernent la compréhension de lecture, la numération, les additions et les soustractions. Les déficits en orthographe et résolution de problèmes diminuent également, sans pour autant rejoindre les normes. Si les élèves n’ont pas tout rattrapé, les dyslexiques ont aussi bénéficié notamment des interventions en français ciblant la compréhension de lecture, ainsi que les compétences mathématiques avec les interventions en maths. La persistance à distance de l’effet bénéfique de tous les types d’interventions conforte l’impact positif du programme dans sa globalité. Cette observation, qui doit être confirmée par d’autres études plus larges et robustes, souligne également que certaines difficultés d’apprentissage sont réversibles, de manière efficace lorsque les enseignants ou accompagnateurs sont formés à ces interventions pédagogiques.

Cette étude constitue une première expérience pilote, indispensable pour valider les choix d’interventions en français et en maths. La pérennisation du projet par les équipes pédagogiques du collège expérimental se fondant sur les Évaluations Nationales obligatoires pour le repérage des élèves en difficultés est en cours, ainsi qu’un projet observationnel contrôlé en classe de seconde dans le même établissement. D’autres recherches plus larges dans d’autres contextes s’imposent avant un déploiement des RAI qui ne peut être que progressif et murement réfléchi. Comme le souligne Caroline Viriot-Goedel, Professeure en Sciences de l’Éducation : « Si chercheurs et décideurs nord-américains continuent jusqu’à ce jour à travailler à l’amélioration de la RAI dans leurs écoles, on conçoit bien que la mise en œuvre de la RAI dans l’école française ne pourra pas faire l’économie d’une réflexion approfondie sur les conditions d’un déploiement réussi dans le contexte français ».

L’étude, conduite dans les établissements du réseau ORT France confirme bien que, sans prise en charge, les déficits se creusent au fil de la scolarisation secondaire : ce constat plaide fortement en faveur des programmes de remédiations ciblées des difficultés d’apprentissage et de la formation des enseignants pour assurer ces interventions.

 

Référence :

Impact d’interventions pédagogiques sur les performances des collégiens souffrant de difficultés d’apprentissages en langage écrit et mathématiques. Une étude contrôlée. C Billard et al., Neuropsychiatrie de l'Enfance et de l'Adolescence, 2025 

DOI : https://doi.org/10.1016/j.neurenf.2025.02.003

Corresponding authors: Catherine Billard  et Arnold Munnich (Institut Imagine, UMR 1163)