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Les troubles de développement du langage (TDL) concernent des enfants qui présentent des difficultés persistantes de langage, qui affectent de manière significative les interactions sociales ou les progrès scolaires, impactant significativement et durablement leur qualité de vie jusqu’à l’âge adulte. Par définition, le TDL n'est pas associé à une cause biomédicale identifiée (comme une lésion cérébrale ou une maladie neurodégénérative), à une surdité, à un trouble du spectre autistique (TSA) ou à une déficience intellectuelle (DI). Toutefois, il arrive que le TDL soit associé à d'autres comorbidités telles que le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH), la dyslexie développementale ou les problèmes de coordination.
Des troubles du langage sont retrouvés chez 7 à 8 % de la population, 2 % si l'on considère les formes sévères et durables qui nous intéresse dans ce travail.
Si les troubles du langage peuvent avoir une origine multifactorielle, avec des facteurs socioculturels et éducatifs, de nombreux éléments laissent à penser qu’il existe une origine génétique. En effet, les « vrais » jumeaux présentent des taux de concordance plus élevés pour ces troubles que les « faux » jumeaux dizygotes, et des cas familiaux de difficultés d'acquisition du langage, présents chez plusieurs générations au sein d’une même famille, sont également fréquemment observés. Néanmoins, l'hétérogénéité clinique des TDL, la présence fréquente d’autres troubles et les différentesterminologies utilisées pendant de nombreuses années ont freiné le diagnostic et la recherche sur cette pathologie, empêchant également une bonne prise en charge.
Clothilde Ormières s’est intéressée à une cohorte particulière de patient TDL, d’abord dans le cadre de son projet de thèse de médecine, puis dans le cadre d’un projet de recherche plus large, sous la direction de Vincent Cantagrel et Valérie Malan, du laboratoire Génétique des Troubles du Neurodéveloppement à l’Institut Imagine. Cette cohorte homogène est faite de patients atteints de TDL, sans amélioration après rééducation, sans TSA, DI ou autre pathologie associée. Son approche basée sur des études génomiques des patients ainsi identifiés a eu pour objectif de mieux définir la base moléculaire de ce trouble.
Les critères diagnostiques stricts appliqués par l’équipe multidisciplinaire, comprenant des orthophonistes, des neuropsychologues et des neurologues pédiatriques, ont permis d’établir une cohorte de 27 patients, en collaboration avec l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, et les centres de référence de Garches et de Genève.
Le suivi de ce groupe de patients a permis l’identification de plusieurs variations génétiques probablement à l’origine des TDL : par exemple, un variant de séquence pathogène dans le gène ZNF292, gène déjà connu pour être impliqué dans des cas de DI et TSA, ou encore des variations du nombre de copies de gènes, comme la microdélétion d’une partie du chromosome 15, ou la duplication d’une partie du chromosome 16.
Les chercheurs soulignent également une expressivité variable des symptômes pour une même mutation, qui est probablement expliqué par des facteurs supplémentaires, tels que l'épigénétique et des facteurs environnementaux.
Les résultats suggèrent que les cas sporadiques de TDL sont souvent liés à des mutations « de novo », non transmises par les parents. Par contre, la majorité des cas familiaux reste actuellement non résolue et semble impliquer des facteurs de susceptibilité. Le TDL est un trouble complexe, et ces observations démontrent l’implication de facteurs génétiques partagés avec ceux impliqués dans les TSA et les DI. Il était donc critique d’avoir une cohorte dont l’évaluation clinique était rigoureuse pour pouvoir tirer cette conclusion et définir l’existence de facteurs génétiques commun pour ces troubles qui sont pourtant différents (!)
Le centre de référence des troubles du langage de l’hôpital Raymond Poincaré avec l’équipe de la Dr Emilie Schlumberger a joué un rôle important de par son expertise, et au sein du laboratoire de recherche, la Dr Marion Lesieur-Sebellin et Karine Siquier-Pernet ont mené une grande partie des analyses génétiques.
Ces travaux, rendus possibles grâce au soutien d’Eric Perrier, Directeur Général de VISEO, et des Amis Entrepreneurs d’Imagine, constituent néanmoins une première, à la fois par l’établissement d’une définition fine et précise des TDL, et par la mise en évidence d’un lien prouvé entre l’origine génétique des troubles du langage et celle des TSA et DI. Cette meilleure compréhension des causes moléculaires du TDL permet d’envisager une prise en charge plus adaptée pour des patients dont les troubles ne peuvent pas encore être améliorés par la rééducation existante. Ce travail ouvre aussi à la porte à des études génétiques supplémentaires pour un groupe de patients qui n’était pas ou peu étudié jusque-là.
Référence :
Deciphering the genetic basis of developmental language disorder in children without intellectual disability, autism or apraxia of speech
C Ormieres et al., Molecular Autism, 2025
doi: 10.1186/s13229-025-00642-8
Corresponding author :
A propos des Amis Entrepreneurs d’Imagine :
Initiée par Eric Perrier, CEO de VISEO, l’initiative du réseau des Amis Entrepreneurs d’Imagine a vu le jour pour soutenir un ambitieux programme de recherche dédié aux troubles du neurodéveloppement et de l’apprentissage, afin d’en découvrir les origines génétiques. Aujourd’hui, ce collectif d’entrepreneurs engagés et fidèles, dont Nicolas Doucerain, Fondateur et Président de VALUMEN, continue de se renforcer et d’apporter un soutien essentiel à cette cause.