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Depuis les débuts de la pandémie de Covid-19, de nombreux chercheurs se sont intéressés à une question cruciale : comment expliquer que certains patients infectés par le SARS-CoV-2 ne présentent aucun symptôme alors que d'autres développent une pneumopathie pouvant aller jusqu'au décès ?
Cette interrogation a fait l’objet de recherches rigoureuses dans le cadre d’une collaboration internationale pilotée par des équipes de l’Inserm, d’Université Paris Cité et de l’AP-HP au laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, dans ses deux branches : à l’Institut Imagine, situé à l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, et à l’Université Rockefeller de New-York. Des travaux qui ont débouché sur des publications montrant notamment qu’environ 20 % des cas de pneumopathies graves suite à une infection par le SARS-CoV-2 s’expliquent par des anomalies génétiques (5 % des cas) et immunologiques (14 % des cas) qui fragilisent la réponse immunitaire portée par les interférons de type I.
Interférons de type 1Les interférons de type 1 (IFN 1) sont un groupe de 17 protéines habituellement produites de manière rapide par les cellules de l’organisme en réponse à une infection virale et qui a pour principal effet d’inhiber la réplication du virus dans les cellules infectées. Il en existe plusieurs types, répartis en plusieurs familles : alphas, bêta, oméga, kappa et epsilon. Par ailleurs, on parle d’auto-anticorps quand des anticorps s'attaquent aux propres cellules de l'organisme d'un individu. Chez certains patients atteints de formes sévères de Covid-19, des auto-anticorps dirigés contre les interférons de type 1, ont été retrouvés. Neutralisant l’action des IFN 1, ces auto-anticorps empêchent donc l’organisme de bien se défendre contre le virus. |
Les vaccins ARNm contre la Covid-19 sont très efficaces pour prévenir les formes graves de la maladie, et notamment pour réduire le risque de pneumopathie, comme l’attestent de nombreuses études. Cependant, il peut arriver que dans de très rares cas, certaines personnes vaccinées soient infectées par le SARS-CoV-2 et développent des formes sévères de la maladie, nécessitant une hospitalisation.
Forts des connaissances acquises sur les déficits immunologiques associés à un risque accru de Covid-19 grave, les équipes de recherche menées par le Pr Jean-Laurent Casanova et le Dr Laurent Abel, co-directeurs du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, ont tenté de mieux comprendre ce phénomène.
Auto-anticorps anti-IFN-1
Les chercheurs ont recruté dans leur étude 48 patients âgés de 20 à 80 ans ayant fait une forme sévère à critique suite à une infection par le variant delta, malgré un schéma vaccinal complet par vaccin à ARNm.
La première étape a consisté à vérifier que le vaccin avait bien été efficace chez ces participants, c’est-à-dire que l’organisme y avait répondu en produisant un bon taux d’anticorps anti SARS-CoV-2. L’idée était ainsi d’écarter les formes sévères ayant pu se développer suite à un échec de la vaccination, afin d’isoler et identifier d’autres facteurs. Pour différentes raisons (infection par le VIH, présence de lymphome, prise de traitements immunosuppresseurs…), six patients avaient une réponse vaccinale défectueuse et ont donc été exclus de l’étude.
Ensuite, les scientifiques se sont appuyés sur leurs précédents travaux et ont recherché la présence d’auto-anticorps anti-interférons de type 1 (IFN-1) chez les 42 patients restants. Différents tests ont été réalisés pour mesurer le taux d’auto-anticorps anti IFN-1 et ainsi que leur caractère neutralisant.
L’analyse des données collectées indiquent que 24 % des 42 patients considérés présentaient des anticorps qui étaient en mesure de neutraliser les interférons de type 1. Hormis cette particularité, ces patients ne présentaient pas d’autres déficits immunologiques et n’avaient aucun historique d’infection virale sévère.
Il est intéressant de noter que même si ces patients ont développé une forme sévère de Covid-19, aucune n’a abouti au décès. Or dans la population non vaccinée, le taux de décès des personnes qui présentent des auto-anticorps anti-interférons de type 1 est de 20 %. On peut donc supposer que la vaccination a eu un effet même si elle n’est pas parvenue à empêcher le développement de la maladie.
Tester les patients pour identifier les risques
Pour aller plus loin dans la compréhension des mécanismes biologiques sous-jacents, des études moléculaires approfondies ont enfin permis aux chercheurs d’identifier les sous-types d’auto-anticorps concernés, montrant qu’il s’agissait principalement d’auto-anticorps anti-alpha2 et/ou anti-oméga.
Ces résultats permettent donc d’expliquer pourquoi certaines personnes vaccinées, présentant des taux d’anticorps élevés contre le SARS-CoV-2, peuvent néanmoins développer des formes graves. Si le phénomène demeure très rare, il n’en reste pas moins important d’acquérir des connaissances solides sur le sujet afin d’adapter les stratégies de prévention et de prise en charge des patients.
Les auteurs de l’étude préconisent d’ailleurs de tester la présence des auto-anticorps anti-IFN-1 chez des patients vaccinés qui seraient hospitalisés suite à une infection par le SARS-CoV-2. Eux-mêmes vont poursuivre leurs travaux afin de mieux comprendre pourquoi ces auto-anticorps anti-IFN-1 se développent chez certains patients, en s’intéressant notamment à des facteurs génétiques.
Une communication rigoureuse au service de la scienceSi cette étude porte sur des formes très rares de Covid-19 sévère survenant chez des personnes vaccinées, qui ne concernent dont qu’un petit nombre de patients, il semblait important de relayer ces résultats de manière rigoureuse et transparente, fidèle à la démarche de l’Inserm en faveur d’une information scientifique fiable et ce, afin que ces résultats ne puissent pas faire l’objet de mauvaises interprétations ou manipulations de la part des sphères complotistes. |
Sources :
DOI : https://www.science.org/doi/10.1126/sciimmunol.abp8966
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Pr Jean-Laurent Casanova E-mail : casanova@mail.rockefeller.edu
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