COVID-19 : plusieurs équipes d’Imagine se mobilisent

La recherche est le nerf de la guerre contre l’épidémie de coronavirus. Plusieurs équipes d’Imagine s’emploient à lutter contre le COVID-19.

Publié le

Accélérer la recherche

Face au COVID-19, les réponses de moyen et long termes viendront de la recherche. Plusieurs équipes mettent ainsi à profit leur savoir dans les maladies génétiques pour mieux comprendre le COVID-19 et la manière dont les patients répondent différemment à l’infection.

Pourquoi certaines personnes développent-elles des formes plus graves de la maladie ?

Les laboratoires de Jean-Laurent Casanova* et Laurent Abel* explorent notre génome pour tenter de comprendre ces différences. « La variabilité observée au cours de l'exposition et de l'infection par le SRAS-CoV-2 rend très probable l'existence de facteurs génétiques humains influençant la réponse à ce virus, explique Laurent Abel. Très peu d'études ont été réalisées jusqu'à présent sur la génétique de l'hôte de l'infection par la famille des coronavirus, la plupart d'entre elles utilisant des modèles de souris infectées par le CoV SRAS, qui était responsable de l’épidémie en 2003. Ainsi, des souris dont la protéine adaptateur TLR Ticam2 impliquée dans la réponse immunitaire a été inactivée se sont avérées très sensibles à l'infection par le CoV-SRAS ».

Ensemble ces deux équipes ont déjà identifié une centaine d’altérations génétiques pouvant expliquer une susceptibilité à des infections graves dont l’herpès, la tuberculose et la grippe. « C’est en étudiant le génome d’une fillette, qui à l’âge de 2 ans et demi avait contracté une forme très sévère de grippe nécessitant son hospitalisation en service de réanimation pédiatrique, que nous avons trouvé l’origine de cette vulnérabilité, rappelle Jean-Laurent Casanova. Elle avait hérité d’un allèle muté du gène codant pour le facteur de régulation IRF7 de chacun de ses deux parents. Il s’en suit une perte de production des interférons entrainant en cascades de nombreuses perturbations dans son système de défense contre l'infection par le virus de la grippe. »

Aujourd’hui grâce à la cohorte française de patients atteints de COVID-19, et grâce à un recrutement international, ils veulent mettre au jour les variants génétiques - ces petites différences de la séquence de notre génome qui font notre singularité – impliqués dans le développement de la maladie.

Grâce à leur expertise en termes de séquençage de l’exome entier, ils vont dans un premier temps s’atteler à identifier les variants ayant un fort impact sur le développement de formes cliniques particulièrement graves chez les individus, parfois jeunes, infectés par le SRAS-CoV-2.

 Ils étudieront ensuite les bases génétiques de la résistance à l'infection par le SRAS-CoV-2, chez les individus exposés au virus de façon indiscutable, et qui pourtant ne sont ni malades ni même infectés par le virus.

Car comme pour nombre d’autres infections virales, leur hypothèse est que les variants génétiques joueraient un rôle important dans les différentes étapes de l'infection par le SRAS-CoV-2, en particulier dans le développement de l'infection suite à l'exposition et dans la survenue d'une maladie clinique grave chez les personnes infectées. Un autre objectif consistera à rechercher les variants associés à une sécrétion nasopharyngée du virus chez les personnes infectées asymptomatiques, soit à identifier les personnes ne présentant aucun signe d’infection, mais pouvant transmettre le virus. Une étape essentielle pour restreindre la propagation.

 

Et si les formes sévères de COVID-19 s’apparentaient aux interféronopathies ?

C’est l’hypothèse que souhaitent tester Solen Kernéis médecin à l’hôpital Cochin (AP-HP) et Maître de conférence à l’université de Paris et Benjamin Terrier, professeur de médecine Interne à l’hôpital Cochin (AP-HP).

Les interféronopathies sont un ensemble de maladies caractérisées par une hyperactivation des interférons (IFN), des protéines produites à la suite d’une infection virale dont l’équipe de Frédéric Rieux Laucat** à Imagine est spécialiste. C’est donc tout naturellement qu’il a été sollicité par les deux porteurs de ce projet car les patients atteints de formes graves de COVID-19 pourraient présenter une surexpression des gènes dépendants de l’interféron de type 1 (IFN1). « Chez ces patients, les cliniciens observent des lésions pulmonaires qui suggèrent un excès de réponse antivirale à l’interféron de type 1. Ce mécanisme pourrait être responsable de l’aggravation de l’état des patients qui nécessitent une hospitalisation en réanimation » explique le chercheur.

Reception 1er chantillons COVID

Le jeudi 19 mars 2020, le laboratoire de Frédéric Rieux-Laucat a reçu le 1er échantillon d’un patient atteint de COVID-19 afin d’évaluer la réponse antivirale à l’interféron de type 1. L’objectif est d’ici un mois de déterminer si des différences existent réellement entre les patients atteints de COVID-19 hospitalisés en secteur conventionnel et les patients atteints de COVID-19 hospitalisés en réanimation pour un syndrome de détresse respiratoire aiguë et des sujets indemnes. « Au-delà des informations sur le devenir de la maladie, l’idée serait de pouvoir faire bénéficier d’un traitement ciblé les patients les plus à risque, explique Frédéric Rieux-Laucat. Car l’interféron 1 active la voie de signalisation des Janus kinases (JAK-STAT), une voie pour laquelle il existe des inhibiteurs déjà disponibles en thérapeutique clinique. »

« Les traitements spécifiques contre le COVID-19 viendront de la recherche qui, seule, permettra de décrypter intimement la maladie, ses mécanismes et d’identifier les failles permettant de la vaincre. Pour lutter contre la propagation du COVID-19 et sauver des vies, Imagine a en même temps décidé de fermer opérationnellement la plupart de ses laboratoires de recherche, tout en laissant ouverts, bien sûr, ceux qui sont mobilisés dans les recherches sur COVID-19 face à l’urgence de l’épidémie », déclare le Pr Stanislas Lyonnet, directeur de l’Institut Imagine.

Dans ce même état d’esprit qui anime les laboratoires et la plateforme d’Imagine qui se sont mobilisés pour des recherches directement liées à l’épidémie, Certains médecins-chercheurs, internes en formation de recherche, se sont manifestés comme bénévoles pour venir en renfort des équipes soignantes.

*Jean-Laurent Casanova est professeur à l’Université de Paris/Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP et à l’Université Rockefeller à New York et aussi directeur d’un laboratoire de recherche Inserm à l’Institut Imagine et au Howard Hughes Medical Institute à New-York.

*Laurent Abel est co-fondateur du Laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, laboratoire international de l’Inserm organisé en deux branches, l’une au Rockefeller à New York et l’autre à l’Institut Imagine.

** Frédéric Rieux-Laucat est directeur de recherche à l’INSERM et dirige le laboratoire d’immunogénétique des maladies auto-immunes pédiatriques à l’institut Imagine.