Publié le
En 2020, l’équipe de Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel, co-directeurs du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses, à l’Institut Imagine, publiait un résultat majeur sur les causes génétiques et immunologiques des formes graves du Covid-19 [1][2]. En 2021, elle raffinait sa méthode d’analyse pour démontrer qu’environ un quart des formes sévères peuvent s’expliquer par des défauts génétiques et des anomalies immunologiques [3][4]. En particulier, les chercheurs avaient mis en évidence une quantité anormale d’auto-anticorps anti-interférons de type 1 (IFN1) chez les patients ayant développé une forme sévère de la maladie.
Dans l’arsenal du système immunitaire, les interférons de type 1 agissent un peu comme la première vague de fantassins : ils constituent la première barrière immunologique contre les virus. En venant bloquer leur action, les auto-anticorps sabotent le système immunitaire qui ne parvient plus à empêcher la propagation et la prolifération du virus dans l’organisme. D’où le développement de formes pulmonaires graves.
La mortalité augmente avec l'âge
Dans une nouvelle publication parue dans The Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), les chercheurs ont voulu en savoir plus sur ces formes sévères [5]. Ils ont donc étudié la mortalité chez les patients présentant un taux anormalement élevé d’auto-anticorps. En pratique, ils ont comparé par âge et par sexe, les données de 1261 patients non-vaccinés décédés au cours des deux premières vagues de la pandémie, ainsi que celles de 34 159 personnes de la population générale. « Nous avons ensuite estimé le taux de mortalité en fonction de l’âge chez les porteurs d’auto-anticorps. Résultat : ce taux augmente fortement avec l’âge (voir courbe). Nous avons mesuré qu’il est inférieur à 1% chez les moins de 40 ans contre plus de 27% chez les plus de 80 ans », explique Aurélie Cobat, dernière auteure de la publication, chercheuse et theme leader au sein du laboratoire. L’âge a donc une influence majeure sur le pronostic vital chez les patients avec auto-anticorps.
Un risque relatif plus important chez les moins de 70 ans
Ces chiffres parlent d’eux-mêmes mais, sans recul critique, ils peuvent être trompeurs. « Lorsqu’on voit 1% de décès chez les moins de 40 ans, on a finalement l’impression que c’est peu. En réalité, il faut le rapporter au taux de mortalité dans la population générale pour la même catégorie d’âge qui est plutôt de l’ordre de 0,01%. Soit 100 fois plus faible ! », prévient Jérémy Manry, premier auteur et chercheur dans le laboratoire. En d’autres termes, même jeune et en bonne santé, les personnes présentant une quantité anormalement élevée d’auto-anticorps anti IFN 1 ont 100 fois plus de risque de mourir du Covid-19.
Etrangement, ce risque relatif est 20 fois plus important dans la tranche d’âge des moins de 70 ans par rapport à celle des plus de 70 ans. « En résumé, au sein d’une population avec des auto-anticorps anti IFN1, le risque augmente avec l’âge, en particulier après 60 ans. Mais si l’on compare cette population particulière avec la population générale, alors la différence de mortalité est bien plus marquée chez les moins de 70 ans. », conclut Aurélie Cobat. Tous ces résultats renforcent et confirment l’intérêt de la stratégie de santé publique consistant à tester la présence de ces auto-anticorps dans la population générale.
((Références))
[1] Q. Zhang et al., Science, 24 septembre 2020
[2] P. Bastard et al. Science, 24 septembre 2020
[3] T. Asano et al, Science Immunology, 2021.