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Le syndrome lymphoprolifératif auto-immun (ALPS) est une maladie génétique rare, non infectieuse et non maligne, dans laquelle certains lymphocytes T, dits « doubles négatifs », s’accumulent de manière anormale dans le sang et les organes lymphoïdes (rate et ganglions). Des manifestations auto-immunes, et un grand risque de développer un lymphome, ont également été observés chez la majorité des patients ALPS. Au sein de notre génome, chaque gène est présent en 2 copies, chacune provenant d’un des parents biologiques.
Le laboratoire d’Immunogénétique des maladies auto-immunes pédiatriques, dirigé par Frédéric Rieux-Laucat au sein de l’Institut Imagine (Inserm, AP-HP, Université Paris Cité), avait décrit les premières mutations du gène FAS dans l’ALPS il y a 30 ans. Il s’agissait alors de mutations héritées d’un parent n’affectant qu’une seule copie du gène FAS : on parle de mutation hétérozygote, ou mono-allélique. Cette équipe a montré ensuite que des mutations de FAS peuvent apparaitre spontanément au sein de progéniteurs des lymphocytes au cours du développement du fœtus : on appelle ces mutations nouvelles des mutations somatiques.
Il arrive également que les mutations causant l’ALPS soient héritées sans que le parent ayant transmis la mutation ne présente de symptômes, comme si l’expression de la maladie pouvait « sauter une génération ».
Au cours de travaux plus récents, l’équipe avait alors montré que, dans ces familles, les individus malades portent, en plus de la mutation héritée, un « événement somatique » sur la deuxième copie du gène FAS, et ce seulement dans les lymphocytes T anormaux. Ces événements somatiques correspondent à une perte de la copie saine du gène FAS. Le morceau de chromosome manquant est remplacé par une copie du morceau de chromosome équivalent provenant de l’autre parent, ce qui dédouble la copie mutée du gène : la mutation est alors présente sur les 2 copies du gène (mettre lien ref Magerus J Clin Invest 2011). Cet « évènement somatique » est appelé disomie uniparentale (DUP).
Le gène FAS code la protéine du même nom, FAS, qui joue un rôle majeur dans l’apoptose, une forme de mort cellulaire programmée qui permet notamment d’éliminer les cellules immunitaires indésirables. C’est par l’association de FAS avec la protéine FADD que l’apoptose est activée.
Dans l’étude faisant l’objet de leur publication, l’équipe a identifié des mutations hétérozygotes du gène FADD chez quatre patients non apparentés et atteints d’ALPS sans mutation du gène FAS. La mutation du gène FADD est également détectée chez un des deux parents, sans que celui-ci n’ait jamais montré de symptômes. Les chercheurs ont mis en évidence que les deux copies du gène FADD sont mutés dans les lymphocytes T anormaux des patients. Chez les quatre patients décrits ici, la mutation n’affecte les deux copies de FADD que dans le système immunitaire, puisque la DUP s’est déroulée dans des progéniteurs des lymphocytes T. Les autres cellules (notamment du cœur ou des neurones) n’ont qu’une seule copie mutée du gène FADD. Les mutations du gène FADD affecte donc l’efficacité de l’apoptose seulement dans les lymphocytes de ces patients. Chez des patients souffrant d’une maladie beaucoup plus sévère affectant le développement de plusieurs organes (cœur, rate, neurones), des mutations héritées des deux copies de FADD (et présentes dans toutes les cellules de l’organisme) avaient été précédemment observées, indiquant que l’apoptose est aussi importante au-delà du système immunitaire.
Cette étude innovante met en avant le mode d’expression inhabituel d’une maladie génétique selon les générations. La disomie uniparentale, ce mécanisme génétique atypique, explique pourquoi les individus porteurs d’une même mutation peuvent développer ou non la maladie associée. Il existe de nombreuses maladies génétiques pour lesquelles l’expression est variable (absence de symptômes ou symptômes très différents d’un patient à l’autre). Cette étude montre que des mutations somatiques, en plus des mutations héritées, doivent être recherchées pour les maladies génétiques, notamment dans le cas des maladies auto-immunes. En effet, l’identification de la cause génétique permet de mieux comprendre la maladie associée et surtout de proposer des traitements ciblés et spécifiques.