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Avec 1,4 million de morts et 10 millions de nouveaux cas chaque année, la tuberculose est l’une des dix premières causes de décès dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé. Cette maladie infectieuse se transmet dans l’air via une mycobactérie appelée Mycobacterium tuberculosis, mieux connue sous le nom de bacille de Koch. Elle s’attaque principalement aux poumons, mais peut s’étendre à d’autres organes, entraînant fièvre, toux chronique, essoufflement, douleurs dans la poitrine, fatigue et perte d’appétit. Un quart de la population mondiale est infectée par cette mycobactérie, mais seuls 5% à 10% développent les symptômes de la tuberculose.
Le but de nos recherches est de montrer que la tuberculose, en plus d’être une maladie infectieuse, est aussi une maladie génétique
Cet écart s’expliquerait notamment par une sensibilité génétique différente selon les individus, augmentant chez certains le risque de développer la maladie. « C’est notre hypothèse, souligne Stéphanie Boisson-Dupuis (*) généticienne dans l’antenne new-yorkaise du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses dirigé par Pr. Jean-Laurent Casanova et Laurent Abel (**). Le but de nos recherches est de montrer que la tuberculose, en plus d’être une maladie infectieuse, est aussi une maladie génétique. »
L'interféron gamma en cause
Cette idée s’appuie sur un faisceau de preuves toujours plus conséquent. En 2018, l’équipe du Pr. Jean-Laurent Casanova avait ainsi identifié un variant génétique commun qui – lorsqu’il est présent sur les deux copies du gène TYK2 – explique à lui seul 1% des cas de tuberculose en Europe. « Ce variant est la première cause monogénique commune identifiée pour la tuberculose, abonde la généticienne. Il entraîne un défaut de production d’interféron gamma qui s’avère être un acteur clé de l’immunité anti-mycobactérienne ». D’autres variants, plus rares, ont également été identifiés ces dernières années. Tous sont associés à un défaut de production ou de réponse à l’interféron gamma.
Le 28 juin 2021, une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Medicine ajoute une pierre à cet édifice scientifique en faveur d’une origine génétique de la tuberculose. Les chercheurs d’Imagine et de l’Université Rockefeller ont en effet identifié, chez un patient, un nouveau variant présent sur les deux copies du gène PDCD1 qui code la protéine PD-1. « Nous avons montré que ce variant entraîne une absence complète de PD-1 à la surface des cellules, ce qui au niveau moléculaire et cellulaire, entraîne un défaut de production d’interféron gamma et augmente donc les risques de développer une tuberculose », explique Stéphanie Boisson-Dupuis.
Quand l'immunothérapie réactive une infection latente
Cette protéine n’est pas une inconnue. Elle est la principale cible des immunothérapies, nouveaux traitements phares contre le cancer. Sa présence à la surface de nos cellules est comme un étendard signalant aux cellules immunitaires – en particulier aux lymphocytes T – leur appartenance au même camp. Dès lors, nos cellules sont reconnues comme appartenant au « soi » et épargnées. Toutefois, certains cancers jouent de ce mécanisme inhibiteur pour passer entre les mailles du filet. L’immunothérapie consiste à lever cette inhibition en utilisant des anticorps anti-PD1, laissant ainsi les cellules immunitaires « tuer » les cellules cancéreuses.
« Or, la littérature médicale rapporte des cas de patients qui, traités avec des anti-PD1 pour leur cancer, réactivent une infection latente à Mycobacterium tuberculosis et développent une tuberculose, prévient Stéphanie Boisson-Dupuis. Il est donc important de tester les patients en amont de leur immunothérapie, pour vérifier s’ils présentent ou non une infection à Mycobacterium tuberculosis. De quoi anticiper et mettre en place une prise en charge adaptée. »
(*) Inserm, Institut Imagine, Rockefeller University, Université de Paris.
(**) Inserm, hôpital Necker Enfants Malades AP-HP, Institut Imagine, Université de Paris