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Trois millions de Français sont concernés par les maladies rares, soit une personne sur 20, certaines d’entre elles ne regroupant que quelques dizaines ou centaines de patients. Cependant, en étudiant les maladies génétiques rares et les gènes impliqués, ces connaissances bénéficient non seulement aux malades atteints, mais, la mise en évidence de la fonction de ces gènes peut permettre de décrypter des mécanismes généraux, souvent non encore décrits. Cela permet donc aussi parfois de porter un regard nouveau sur des maladies bien plus fréquentes. Si l’étude de toutes ces maladies rares reste un travail titanesque, il est essentiel de le conduire, non seulement pour ouvrir de nouvelles pistes thérapeutiques pour les patients concernés, mais également pour en imaginer d’autres, pour d’autres pathologies.
Osciller entre le très courant et le très rare, voire le très exceptionnel, c’est le quotidien des travaux de recherche de l’Institut Imagine. Nos équipes s’investissent sur la drépanocytose, la maladie génétique la plus fréquente dans le monde, tout comme sur des pathologies qui ne concernent que quelques enfants, mais qui peuvent ouvrir des voies de compréhension dans des maladies communes, lorsque les mécanismes sont liés.
"Ainsi, les découvertes réalisées sur des pathologies rares peuvent apporter des connaissances ou des pistes thérapeutiques sur des maladies communes. C’est tout l’agilité intellectuelle et opérationnelle d’un Institut hospitalo-universitaire (IHU) mêlant les expertises médicales, scientifiques, voire industrielles", souligne le Professeur Stanislas Lyonnet, directeur de l’Institut Imagine (Inserm/Université de Paris/AP-HP), situé au sein de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP.
Par exemple, très récemment, les travaux des équipes du chercheur Inserm Laurent Abel et de Jean-Laurent Casanova, co-directeurs du laboratoire de génétique humaine des maladies infectieuses à Imagine, ont montré que la connaissance de déficits immunitaires exceptionnels, révélés par des infections bactériennes ou virales communes, pouvait permettre de comprendre les formes cliniques les plus sévères observées dans la Covid-19. Ils ont ainsi pu mettre en évidence les mécanismes génétiques ou immunologiques liés à des auto-anticorps responsables de 15 % des formes graves d’infection par le Sars-Cov-2.
La Journée internationale des maladies rares, le 28 février 2021, est l’occasion pour Imagine de revenir sur ces travaux et de mettre à l’honneur des recherches qui illustrent ces liens entre maladies génétiques rares et maladies fréquentes.
De l’achondroplasie à l’arthrose et l’ostéoporose
L’achondroplasie, forme la plus fréquente de nanisme, touche actuellement environ 8 000 personnes en France. Elle est due à des anomalies de cartilage de croissance et de la formation osseuse. En 1994, Laurence Legeai-Mallet co-découvre le gène responsable de l’achondroplasie, le gène FGFR3. La production excessive de la protéine FGFR3 altère l’ossification, mécanisme qui transforme les tissus cartilagineux en os. La découverte du gène muté et les travaux qui ont été développés ont permis de mieux comprendre les mécanismes régulant l’homéostasie du cartilage et de la formation osseuse. Ces recherches ont permis de mettre en place plusieurs options thérapeutiques, aujourd’hui cinq essais cliniques sont en cours de développement pour l’achondroplasie. Ces atteintes du cartilage et de l’os dans cette pathologie sont à rapprocher dans certains aspects de deux pathologies adultes fréquentes : l’arthrose, dégradation du cartilage articulaire parfois invalidante et très douloureuse, et l’ostéoporose, qui provoque une grande fragilité des os.
« Il n’existe pas de traitement direct pour ces deux pathologies fréquentes. Or, nos recherches visant à identifier des signatures de gènes et des mécanismes cellulaires et moléculaires, et nos développements de modèles cellulaires et animaux pour l’achondroplasie pourraient apporter des solutions thérapeutiques pour l’arthrose et l’ostéoporose », conclut le Dr Laurence Legeai-Mallet (laboratoire des bases moléculaires et physiopathologiques des ostéochondrodysplasies à l’Institut Imagine).
Des déficits immunitaires génétiques aux lymphomes ou maladies auto-immunes
L’équipe de Sylvain Latour étudie les mécanismes de la réponse immunitaire impliqués dans le contrôle de l'infection par le virus Epstein Barr (EBV) qui est le principal virus chez l’homme responsable de plusieurs cancers dont le plus fréquent est le lymphome.
« Grâce à l’étude de deux maladies très rares, nous avons pu proposer des pistes thérapeutiques pour des maladies plus fréquentes, tels des lymphomes ou des maladies auto-immunes », explique le Dr Sylvain Latour, Directeur du laboratoire d’activation lymphocytaire et susceptibilité au virus d’Epstein-Barr.
Dans le premier cas, son équipe a récemment montré que la déficience en enzyme CTPS1 chez l'homme entraîne une forte susceptibilité aux infections virales, en particulier à l'infection par le virus de l’EBV, ce qui met en évidence le rôle crucial de la prolifération et de l'expansion des lymphocytes T activés lors des réponses immunitaires. Sur la base de cette découverte, la société Step-Pharma, spin-off d’Imagine, a été créée pour développer des inhibiteurs de CTPS1 qui pourraient représenter un nouveau traitement des maladies causées par une prolifération excessive et inappropriée des lymphocytes T comme le lymphome T, le rejet de la greffe ou les maladies auto-immunes. Dans le second cas, le gène CD70 a été identifié par l’équipe comme responsable d’une susceptibilité à l’infection au virus d’Epstein-Barr et de l’apparition de lymphomes B lorsqu’il est défectueux chez les enfants. Ce défaut se retrouve aussi dans certains lymphomes B de l’adulte. Les travaux de l’équipe ont montré que l’absence d’expression de la protéine CD70 à la surface des cellules de lymphomes a pour résultat une réponse immunitaire inefficace contre ces cellules. Ces travaux ont permis de proposer une nouvelle thérapie génique visant à ré-initier une réponse immunitaire anti-tumorale pour le traitement de certains lymphomes.
De l’importance de mener des recherches sur les maladies génétiques même très rares
L’accent est souvent mis sur le faible nombre de patients concernés par les recherches sur les maladies génétiques mais les exemples ne manquent pas pour montrer que ces connaissances profitent à tous. Les recherches sur des familles touchées par des cancers rares ont ainsi permis d’identifier des gènes de susceptibilité de cancers impliqués dans la réparation de l’ADN ou la division des cellules. La connaissance fine des éléments déclencheurs dans les cancers ont ouvert de nouvelles pistes thérapeutiques, comme les thérapies ciblées.
Ces exemples illustrent l’importance de mener des recherches sur les maladies génétiques, dans l’intérêt de tous. La journée internationale des maladies rares, le 28 février, est l’occasion de le rappeler.
Mieux connaître les maladies génétiques, deux jours de web-conférences à Imagine
A l’occasion de cette journée internationale, l’Institut Imagine organise, les 27 et 28 février 2021, des séries de web-conférences et invite le public à échanger sur différents thèmes tels que la drépanocytose, les épilepsies rares, les déficits immunitaires, les maladies intestinales inflammatoires, les maladies mitochondriales, les cardiopathies congénitales, les troubles du langage, les maladies génétiques de l’œil, la génétique expliquée aux enfants. Le programme détaillé est disponible ici.